[FOCUS] Des solutions pour améliorer sa politique de ressources humaines en boulangerie

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En boulangerie, les mouvements de main-d’œuvre sont importants, et le secteur manque souvent de bras. Alors, certains chefs d’entreprise ont décidé de se confronter au problème avec différentes initiatives.

Dix semaines de congés payés par an

À l’heure où de nombreux chefs d’entreprise en boulangerie cherchent le moyen de mieux recruter, d’éviter les ruptures conventionnelles, démissions et autres abandons de poste, Jean-Pierre Delboulbe a peut-être une partie de la solution. En tout cas, il se satisfait que sa stratégie fonctionne depuis 2004, année où il a fondé Louboulbil, une coopérative agricole de panification située à Castelsagrat (82), qui produit du pain vendu sur 17 marchés de plein vent du Sud-Ouest.

Ici, ce gérant œuvre pour « le BIB, le Bonheur Intérieur Brut », comme il l’a présenté dans une vidéo virale réalisée pour le site du journal La Dépêche. Ce BIB est construit sur plusieurs critères qui proposent d’autres conditions de travail pour ses 32 salariés, à la vente et à la production : moins de hiérarchie, quatre jours de travail par semaine, un salaire décent mensuel fixé à 2 000 euros minimum, avec des primes et des bénéfices partagés, et une moyenne de dix semaines de congés par an.

Jean-Pierre Delboulbe, fondateur de Louboulbil.

Le gérant témoigne : « On oublie souvent que les salariés doivent pouvoir avoir une vie privée mais, en travaillant six jours sur sept, sans week-end et avec un jour de repos qui tombe le mardi, où il est impossible de récupérer la fatigue accumulée à se lever à 3 heures du matin, c’est impossible ! Avec dix semaines de congés payés par an, ils peuvent avoir une vie sociale, être heureux et ainsi ne pas abandonner le métier. »

Si Jean-Pierre Delboulbe concède que cela lui demande plus de travail en matière de réalisation des plannings et le paiement de charges supplémentaires, il constate aussi une meilleure implication des salariés qui permet d’augmenter le chiffre d’affaires sur lequel ils perçoivent un intéressement. « Les boulangers vont créer de nouveaux pains spéciaux, ils vont œuvrer à ce que l’entreprise évolue. En 2023, les salariés de la coopérative depuis plus de trois ans ont reçu plus de 3 000 euros nets par mois de salaires et de primes. » Des revenus supplémentaires permis notamment par les primes d’intéressement, de participation et de partage de la valeur, facultatives, mais qui permettent certaines exonérations fiscales, sous condition.

Une grille des salaires transparente

Dans le 9e arrondissement de Paris, Marie Debié et Augustin Rivoire ont ouvert Tranché en décembre 2022. S’ils se sont faits connaître notamment pour leur levée de fonds de 3 millions d’euros au printemps 2023 – un jargon qui appartient plutôt à celui de l’univers des start-up –, les fondateurs de cette enseigne qui essaime en Île-de-France travaillent aussi leur marque employeur pour attirer les candidats et garder leurs 85 salariés.

Marie Debié et Augustin Rivoire, les fondateurs de Tranché. © Salomé Rateau

« Dans le secteur de la food, le turnover est de 70 %, explique Marie Morvan, responsable des ressources humaines, alors que nous sommes à 42 % sur le groupe. » Un chiffre qu’elle explique notamment par un recrutement qui va vite. « Les offres d’emploi sont publiées trois semaines avant une ouverture, pour qu’il n’y ait pas trop d’attente avec la prise de poste. » Après un test de 2 à 3 heures, le temps de rencontrer leurs potentiels futurs managers qui remplissent une grille d’évaluation sur leur prestation, les candidats retenus sont recontactés « au bout de 24 heures maximum ! » Le poste vient avec une prise en charge de la mutuelle à 80 % « avec des taux importants sur les remboursements », mais également, pour les vendeurs, une prime mensuelle.

Marie Morvan assure que la grille salariale est transparente « par souci d’équité et pour ne créer aucune frustration » mais aussi répondre ainsi aux attentes de ses recrues, dont une grande partie est issue de la génération Z. Tranché a aussi fait le choix de ne pas donner une prime de panier repas, rare dans le secteur de la boulangerie, mais des tickets restaurant avec une remise de 40 % en cas d’achat du déjeuner au sein du réseau. « Nous avons aussi une prime de mobilité verte pour ceux qui viennent à vélo, et à pied ! »

Une journée portes ouvertes pour les futurs apprentis

Une fois par mois, des réunions sont organisées par les responsables pour faire le point avec les membres de leur équipe. Pour préparer ces échanges de manière efficace, tous les salariés doivent remplir un questionnaire en amont afin de consigner leurs réussites et points d’insatisfaction, voire leur éventuelle envie d’évoluer. « Si des postes à responsabilités se dégagent, on va proposer d’abord en interne et créer pour la personne intéressée un plan de compétences à atteindre », ajoute la représentante RH.

Un gerbeur, un ascenseur et des postes de travail à plusieurs hauteurs

À Briouze, dans l’Orne, la Boulangerie Tabouret vient de recevoir le « Prix de l’initiative environnementale » dans le cadre de la deuxième édition du Trophée RSE « Ma boulangerie, engagée dans le développement durable », organisé par Confédération Nationale de la Boulangerie-Pâtisserie Française et AG2R La Mondiale.

En plus de nombreuses initiatives mises en place visant à décarboner l’activité, Christophe Tabouret, le propriétaire, a investi pour améliorer les conditions de travail de ses salariés. « Avant notre déménagement il y a quatre ans, j’ai échangé avec mes salariés pour travailler à réadapter les locaux », explique-t-il. Depuis, un quai de déchargement a ainsi été installé et un gerbeur leur permet de déplacer les palettes et de les monter jusqu’à 50 cm, leur évitant ainsi trop de manutention. Un ascenseur achemine également les matières premières du rez-de-chaussée au sous-sol. Dans les laboratoires, des tables sont disponibles à plusieurs hauteurs selon s’ils sont amenés à faire du tourage ou des crèmes ; et de grandes chambres froides donnent aux pâtissiers une meilleure vision des ingrédients disponibles.

« Nous avons aussi investi dans deux fours supplémentaires pour que les boulangers n’aient pas à attendre et cinq pétrins afin qu’ils puissent se lancer dans plusieurs fabrications en même temps », ajoute le gérant. Avec ces aménagements, il constate chez ses salariés « moins de fatigue, moins de maux de dos et un environnement de travail plus serein ». Il ajoute : « Ils bénéficient également d’un weekend par mois non travaillé en roulement, en plus de leurs deux jours de repos hebdomadaires. »

Christophe Tabouret et son équipe lors de la remise du prix pour le Concours de la Meilleure Galette des Rois 2024.

Anaïs Digonnet