La responsabilité sociétale des entreprises s’installe durablement dans les stratégies de développement des professionnels de la boulangerie et de la pâtisserie.
« On s’attache vraiment à connaître comment sont faits les produits »
Mi-juin à Paris. Le guide digital « La Liste » lance le premier Forum international de la pâtisserie, en collaboration avec Pierre Hermé, pour annoncer un palmarès des meilleurs professionnels du secteur. Parmi les lauréats, Claire Damon reçoit le prix « Pâtisserie de la Responsabilité Éthique et Environnementale ». Un intitulé de récompense qui montre que le sujet prend de l’envergure dans le secteur des arts sucrés, pour la plus grande satisfaction de la cheffe et cofondatrice de Des Gâteaux et du Pain, qui compte deux boutiques et un laboratoire à Paris. Fin juillet, avec son associé David Granger, ils ont décidé d’arrêter la fabrication de baguettes. Claire Damon témoigne : « Est-ce qu’il est pertinent de faire lever un collaborateur à 3 heures du matin pour enfourner une production trop énergivore contrairement à un pain de campagne qui se garde ? Les clients comprennent notre position et c’est l’occasion de faire de la pédagogie. »
Une remise en question et une éthique qui font partie des piliers de l’entreprise créée en 2007. « On ne va pas à Rungis par exemple », explique-t-elle, préférant les fruits locaux. La pâtissière choisit uniquement des amandes de Provence, quatre fois plus chères que celles venant de Californie, « mais dont on connaît les ravages industriels. En faisant le choix d’une production française, on a de la fierté à faire travailler une filière française, cela permet de maintenir un bassin d’emplois et de participer à l’entretien du paysage des territoires et d’un savoir-faire extrêmement propre ! » Exit aussi le sésame dans ses recettes, les produits exotiques. Même le chocolat est limité pour la trop grande empreinte carbone que génère son acheminement.
La consigne comme bonne pratique
Des engagements qui résonnent aussi au sein de la Boulangerie Blavette, dans le 14e arrondissement de la capitale. Parmi de nombreuses autres initiatives, Julien et Louis Blavette, les deux frères qui ne vendent que des produits bios, proposent des contenants réemployables consignés, dans le cadre d’une opération impulsée par la mairie de Paris. « On passe par Vytal qui loue des contenants tracés, expliquent-ils. Le principe est simple : en passant par l’application pour acheter un plat ou une salade chez nous, le client bénéficie d’une remise de 30 centimes sur le prix de son repas. Il peut ensuite déposer de nouveau le plat tracé chez un commerçant adhérant au même service. La caution n’est facturée que s’il ne ramène pas la boîte dans les quinze jours ! » Coût pour l’entreprise : 25 centimes, contre 35 centimes pour un emballage en plastique ou en carton, à usage unique. « On fait la même chose avec le café. Cela nous coûte 12 centimes, contre 3 à 4 centimes pour un gobelet, mais c’est un véritable engagement ! » appuient Julien et Louis Blavette.
Comité RSE et bilan carbone
Au sein des huit établissements Boulangerie Chez Jules, dans la métropole lyonnaise, un comité s’est mis en place avec des salariés volontaires pour gérer des problématiques RSE telles que la gestion des invendus ou encore l’équité femme-homme. « Cela entre dans une politique de fidélisation de mes collaborateurs, c’est très important de les impliquer dans autre chose que de vendre des croissants, surtout chez les jeunes », explique Félicien Delzeux, le fondateur de l’enseigne. L’une des dernières actions de ce groupe, surnommé Le Bon Jules, consiste en la réalisation d’un bilan carbone avec les services de la CCI Lyon Métropole.
« Le résultat a été bon, se félicite le dirigeant, car on avait déjà mis en place des choses après un bilan énergétique en 2019, mais cela nous a donné une feuille de route, avec quelques actions correctives à mettre en place, sur l’utilisation de matières premières et notamment les produits carnés, et les emballages. » Résultat, en plus du hot-dog avec une saucisse de viande, la boulangerie propose aussi une version végétale. Une réduction de 10 centimes est également proposée quand ces derniers ne prennent pas de sachet d’emballage pour emporter leur pain ou leurs viennoiseries.
Anaïs Digonnet