Anne-Laure Hagnéré : « Le “Bean to bar” demande d’avoir un engagement fort en matière de sourcing et d’achat »

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Cuisinière de formation, Anne-Laure Hagnéré est devenue chocolatière. Elle est devenue l’une des porte-parole du « Bean to bar » en France, qu’elle met en œuvre dans Terre de fèves, sa chocolaterie de Vannes.

© Studio Jezequel

Qu’est-ce qui vous a amené de la cuisine étoilée à la chocolaterie ?

Anne-Laure Hagnéré : J’ai beaucoup travaillé au garde-manger, le poste en charge des entrées et des amuse-bouche qui demande à être très méticuleux. Puis, après un séjour en Australie où j’ai vu d’autres concepts culinaires, j’ai passé un CAP chocolaterie en formation accéléré à l’Institut National de la Boulangerie Pâtisserie (INBP) à Rouen. J’ai travaillé au sein de la Chocolaterie Bellanger, au Mans, fondée par un MOF. Une expérience très intéressante, mais quand on arrive dans des entreprises de grande taille, tout devient plus automatisé et j’avais envie de retrouver quelque chose de plus artisanal. Je suis alors partie chez Les Nénettes, à Vannes avant de m’envoler pour Wellington en Nouvelle-Zélande, où j’ai découvert le « Bean to bar », littéralement le travail de la fève, le produit brut, jusqu’à la réalisation de la tablette. Je n’avais jamais vu cet aspect dans le cadre de mon expérience, où j’ouvrais plutôt des sacs de chocolat déjà confectionné par des couverturiers de qualité.

Dans les plantations de la famille Garyth en Equateur

Vous avez ouvert Terre de fèves à Vannes en 2020 en faisant la promotion de cet artisanat. Qu’implique le fait de se revendiquer artisan « Bean to bar » ?

A.-L. H. : Cela demande d’avoir un engagement fort en matière de sourcing et d’achat car l’objectif c’est de participer à la défense des droits de ceux qui contribuent à la filière cacao en permettant une meilleure rémunération de la production avec des tarifs supérieurs à ceux de la bourse. Au sein de Terre de fèves, on sélectionne un bon sourceur de cacao qui est notre intermédiaire. Je porte une attention particulière à ce que ce soit une variété native, qui n’est ni génétiquement modifiée, ni recréée de toutes pièces. Pour les fèves, je cherche à avoir un aromatique franc, bien typé. Nous produisons une gamme de caractère, avec des chocolats qui ont de la puissance et une longueur en bouche. L’une de nos signatures est par exemple notre tablette pure origine Congo 75 %, entièrement bio, réalisée à partir de fèves Mayuano. Elle est riche en saveurs, complexe, tout en étant hyper-accessible et gourmande grâce à son côté fruité et à ses accents de fruits secs qui amènent de la douceur.

Quels services offrez-vous aux professionnels ?

A.-L. H. : Après la réception des fèves, nous procédons à la torréfaction et au broyage, puis nous les transformons en pistoles pour une utilisation professionnelle. Nous pouvons aussi faire du sur-mesure et adapter le pourcentage. Mais avec la gamme standard, mes clients professionnels – qui sont principalement des restaurateurs – nous disent déjà que leurs desserts ont plus de puissance et de caractère. En parallèle, pour répondre à leur demande, nous avons lancé des formations sur des journées de découverte du cacao, pour montrer aussi son intérêt dans des plats salés. C’était déjà un ingrédient utilisé pour lier des sauces. Quand on l’utilise à 100 %, le cacao est une épice qui permet aussi d’apporter de la profondeur et de la saveur. Râpé, il apporte aussi du gras et de la rondeur. J’aime beaucoup le marier avec des algues.

Vous participez pour la deuxième fois au Salon du Chocolat à Paris. Que représente cet événement pour vous ?

A.-L. H. : C’est l’événement pour rencontrer de nombreux confrères, des sourceurs et des producteurs de fèves. C’est aussi l’occasion de parler de nouveaux moyens d’acheminer les fèves comme la voile qui prend de plus en plus d’ampleur, pour limiter l’empreinte carbone. Enfin, c’est l’occasion de nous retrouver entre membres de l’association Bean to Bar France, créée en 2021. Notre objectif est de représenter une autre manière de créer du chocolat, et surtout que ce travail de la fève brute soit intégré à la formation, car les élèves ne sont jamais confrontés à la matière brute.

Propos recueillis par Anaïs Digonnet