Nina Métayer : « On ne remplit pas une vitrine, on produit pour un client »

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À 36 ans, Nina Métayer est devenue la première femme récompensée du titre de « meilleure pâtissière du monde 2023 ». Il lui a été décerné par l’Union Internationale des Boulangers et Pâtissiers à l’occasion d’un salon professionnel à Munich en Allemagne, en octobre dernier.

© Mathieu Salomé

Pâtissière de l’année en 2016 pour le magazine Le Chef et en 2017 pour le guide Gault & Millau, vous êtes de nouveau célébrée au niveau mondial par l’Union Internationale des Boulangers et Pâtissiers. Que ressentez-vous ?

Nina Métayer : C’est un grand honneur d’être récompensée pour cette grande institution. Ce prix revient vraiment à tous les gens qui travaillent avec moi car toute seule, je n’aurais pas autant de compétences. Il récompense la bienveillance qui règne dans l’équipe, la qualité de notre service clients et notre démarche afin de réaliser des produits de qualité ! C’est très important pour moi de veiller au maintien de cet équilibre. On va continuer à faire ce que l’on fait de bien car j’ai à mes côtés une équipe d’artisans qui aiment leur métier et je veux continuer à pouvoir prendre le temps avec eux.

Vous avez ouvert Délicatisserie en 2020 avec un concept particulier…

N. M. : Délicatisserie est en effet une pâtisserie en ligne où l’on propose des desserts de palace au prix d’une boutique. Je viens d’une famille de développeurs et la vente sur internet était très ancrée dans mon concept de départ. Sur certains produits, comme les bûches ou les galettes, que les clients doivent réserver un peu en avance, cela nous permet par exemple de privilégier les plus engagés, des gens qui ont envie d’avoir des bons produits d’artisans, qui font la démarche de les précommander et de se déplacer pour aller les chercher.

© Mathieu Salomé

Qu’implique cette production à la demande dans la gestion de votre laboratoire ?

N. M. : Ce format-là implique qu’on ne produit que ce qui est commandé, on ne remplit pas une vitrine, on produit pour un client. Nous réalisons beaucoup de gâteaux individuels. On veut éviter au maximum les pertes pour ne pas mettre à la poubelle le travail des équipes. Il y a une vraie démarche économique derrière ce concept, afin de pouvoir réaliser les meilleurs produits, haut-de gamme à des prix les plus accessibles possibles qui reflètent le geste de l’artisan passionné.

Vous vendez également vos gâteaux sur quelques corners…

N. M. : Oui, il y en a un au Printemps du Goût, boulevard Haussmann à Paris, un autre dans les nouvelles Halles Biltoki à Issy-les-Moulineaux, et un au sein de notre laboratoire, également à Issy-les- Moulineaux. Bientôt, il y aura un quatrième point de collecte au sein de l’Hôtel Villa M, dans le 15e arrondissement. Ici, nous ne proposons aucun gros gâteau, seulement des gâteaux individuels et une partie de notre gamme. L’objectif est d’en ouvrir ailleurs qu’en Île-de-France, on réfléchit.

Qu’est-ce qui fait aujourd’hui un bon dessert ?

N. M. : Il ne faut pas forcément dé-sucrer ou alléger, mais essayer de trouver l’équilibre pour faire passer des émotions, de la gourmandise, de la délicatesse et de la légèreté. Il n’y a pas une bonne recette de mousse ou de biscuit, il y a l’ajustement qu’on y met en fonction de la farine que l’on a choisie, le degré d’acidité que l’on veut. Il faut choisir chaque ingrédient car il fait sens pour nous.

Lesquels justement font partie de vos incontournables ?

N. M. : Le citron vert certainement, qui est un goût ancré en moi depuis le Mexique où j’ai passé une année au lycée ; la noisette qui a un côté rassurant, réconfortant, gourmand et brut ; sans oublier la fleur de sel, le sel étant très important dans les desserts mais aussi parce que je viens de La Rochelle et que plus jeune je passais du temps dans les marais salants de l’Ile-de-Ré, qui m’évoquent toujours un paysage romantique entre mer et terre.

D’abord animée par la vocation de boulangère, exprimée notamment en Australie – mais ensuite un peu contrariée à votre retour en France « car vous ne correspondiez pas au profil du boulanger costaud » –, vous vous êtes ensuite orientée vers la pâtisserie, où vous avez eu comme mentors de grands noms comme Camille Lesecq à l’Hôtel Meurice. Quel serait votre conseil pour quelqu’un qui débute ?

N. M. : Être persévérant, exigeant mais aussi bienveillant avec soi-même. Se regarder de manière lucide pour reconnaître ses défauts mais aussi valoriser ses qualités et savoir se féliciter. Je crois qu’il faut savoir voir plus loin que ce que l’on croit être capable de faire et ne pas avoir peur de rater. Rater, ce n’est qu’un pas de plus vers ce que l’on doit faire pour évoluer, et il est important de recommencer pour réussir. Sur dix projets, un ou deux seulement aboutissent, mais si aucun des dix projets n’avaient été commencés, aucun n’aurait vu le jour !

Quels sont vos projets ?

N. M. : Je veux continuer à avoir une équipe et des clients heureux, à maintenir un niveau de qualité dans les pâtisseries que nous créons et à transmettre notre savoir-faire. Nous voulons aussi recruter de nouveaux artisans qui partagent notre passion.

Propos recueillis par Anaïs Digonnet