À l’aube d’une nouvelle saison touristique, Bruno Aïm, président de la Confédération Nationale des Glaciers de France (CNGF), revient sur l’actualité du secteur.
Vous êtes élu à la tête de la Confédération Nationale des Glaciers de France depuis 2017. Pourriez-vous expliquer son rôle ?
Bruno Aïm : La confédération existe depuis 83 ans, avec son siège à Paris et des représentants dans toutes les régions de France métropolitaine ainsi qu’aux Antilles et à La Réunion. Son rôle est de fédérer, défendre et informer les adhérents concernant la législation dans le domaine de la glace, mais aussi lorsqu’ils rencontrent des problèmes avec la répression des fraudes. Sur les 1 500 artisans glaciers français, 15 % sont membres de la CNGF. Pour adhérer, il faut être artisan glacier ou fabriquer des glaces comme c’est le cas chez les pâtissiers, les chocolatiers et les traiteurs.


Quelle est l’actualité de la CNGF ?
B. A. : Nous avons fait notre assemblée générale annuelle à l’hôtel Le Meurice à Paris, durant laquelle nous avons inauguré un nouveau format avec l’organisation de quatre tables rondes. Elles concernaient des thématiques importantes pour notre métier : les tables analytiques pour mieux stabiliser les recettes, comment fidéliser son personnel, l’importance de l’étiquetage, etc. Nous avons aussi fait intervenir MAPA, assureur dédié aux professionnels de l’alimentaire, et notre conseil juridique, qui est venu expliquer sur quels types de demande il peut accompagner les adhérents.
Il était aussi question d’évoquer un label pour valoriser les artisans glaciers…
B. A. : Nous venons de remettre à jour la Charte Qualité « Glaces Artisanales de France » (GAF), qui permet de distinguer ceux qui fabriquent la glace de manière artisanale, avec des œufs, de la crème et du lait, ou des sorbets avec des fruits, du sucre et un peu d’eau, de ceux qui travaillent avec des pré-mixes composés de poudre dans lesquelles ils ajoutent des arômes et des pâtes. Il faut vraiment que le consommateur puisse reconnaître ceux qui ont une phase de pasteurisation et de maturation et dont la préparation nécessite d’être faite la veille pour le lendemain, de ceux qui mettent juste un coup de mixeur dans leur poudre ou dans une turbine à glace.
Cette charte a été lancée en 2016. Qu’est-ce qui change sur cette édition 2025 ?
B. A. : Nous l’avons mise à jour avec deux paliers, pour différencier l’artisan qui fabrique 20 litres par jour à celui en produit 500. À ceux qui font partie de la seconde catégorie et qui veulent obtenir ce label qualité, la confédération va demander par exemple des dossiers plus complets avec des précisions sur la démarche HACCP, des analyses, un regard sur l’étiquetage, la présence des allergènes. Pour ceux qui fabriquent des sorbets plein fruit, nous leur demandons aussi de mettre le pourcentage de fruits. L’appellation demande qu’il y ait au minimum 45 % de fruits. Un artisan met souvent 60 % de fruits.
Quelles sont les autres conditions pour prétendre au label ?
B. A. : L’artisan doit être adhérent à la CNGF. Il doit aussi fabriquer 100 % de ses glaces, crèmes glacées, sorbets, softs compris, desserts glacés ou tout autre produit glacé qu’il vend sous sa marque. Son dossier doit être constitué de tous les éléments précités, mais il peut également le compléter par des photos de ses glaces et de son laboratoire. Ensuite, nous réunissons une commission tous les deux mois durant laquelle nous convions le porteur de projet à un entretien en visioconférence. Si le dossier est validé, un accord de principe est donné. Puis, nous mandatons une société de conseil extérieure pour venir contrôler de manière impartiale si tous les éléments présentés sont conformes.


En quoi ce label peut vraiment aider le consommateur ?
B. A. : Le titre de maître artisan glacier est donné par les chambres des métiers. Du moment qu’une personne dispose d’un CAP, elle peut être artisan. Mais au sein de la confédération, nous nous battons pour qu’un distinguo soit fait entre celui qui fabrique vraiment sa glace ou ses sorbets avec la passion et l’attention qui caractérisent nos professionnels, et ceux qui font de la glace avec de la poudre, qui déborde des bacs car la glace est remplie de graisse végétale et de gélatine, sur laquelle ils ajoutent des bouts de fruits, de biscuits ou barres chocolatées industrielles.
Comment la formation évolue-t-elle aujourd’hui ?
B. A. : Entre 120 et 150 glaciers sont diplômés tous les ans. Le CAP glacier est une formation qui a le vent en poupe, surtout auprès d’un public en quête de reconversion. Quinze écoles dispensent ce programme aujourd’hui. Nous sommes également en train de travailler à modifier le référentiel qui n’avait pas été modifié depuis 1982 ! Et avec le réchauffement de la planète, notre métier a de l’avenir : 7 litres de glace sont consommés par an et par personne, et chaque année le volume augmente. Et si les boulangers veulent se lancer aussi, qu’ils n’hésitent pas, à condition de bien la fabriquer. Un bac de glace permet de faire 35 boules, et l’été c’est aussi un moyen d’attirer du monde dans sa boutique !
À l’aube d’une nouvelle saison estivale, il y a-t-il des parfums qui ont la cote ?
B. A. : Depuis près de trois ans, on remarque que les glaces à la noisette et à la pistache ont le vent en poupe. Il y a une dizaine d’années, les pâtissiers ont remis au goût du jour les choux pralinés et autres Paris-Brest pour répondre à la demande des clients friands de ces goûts-là. Nous, les glaciers, avons su mettre à l’honneur ces fruits secs dans nos créations, qu’ils soient mélangés avec de la fleur d’oranger pour la pistache ou avec des morceaux incorporés pour la noisette, et toujours en allant chercher de grands crus.
Le snacking est une tendance de consommation qui touche nombre de commerces de bouche. Est-ce que les glaciers sont aussi impactés ?
B. A. : Oui ! Les industriels savent bien vendre leurs esquimaux et autres magnums, mais nous sommes nombreux à savoir en faire autant, alors certains se sont remis à confectionner des sucettes glacées, en fabriquant le coulis à l’intérieur, la sauce fondante et l’enrobage. Sans oublier ceux qui excellent dans la fabrication des barres glacées qui permettent de valoriser tout l’art des maîtres glaciers. Parmi ceux qui incarnent ces deux tendances, je citerais la Maison Dézamy à Biarritz, Barbarac à Saint-Tropez, Fenocchio à Nice, Van Den Casteele dans le Nord, Nardone à Lyon ou encore Une Glace à Paris.
Propos recueillis par Anaïs Digonnet