La rubrique fête ses trois ans ! Occasion de réunir des chefs qui y ont contribué et partager leurs dernières nouvelles. Avec onze participants, il fallait un thème, un «fil rouge»: cela a été le Kouign Amann, gâteau généreux par excellence, dont l’identité se prête au voyage et à la découverte.
Première escale : New York, où le franco-américain Eric Bedoucha est installé, premier à initier la rubrique. Après les Amériques ce sera l’Asie, puis l’Europe. La dernière escale en Bretagne (racines du gâteau obligent), chez un chef dans la ville d’An Orient, berceau de la Compagnie des Indes.
Aux Amériques…
New York : «Kouign à l’orientale» par Eric Bedoucha, Chef partner de «Financier pâtisserie», (TDM 16, Janvier 2014). Eric a travaillé une pâte à croissant riche en beurre, sucre et miel d’acacia, façon baklava. Un clin d’œil à l’Algérie, pays qui l’a vu naître. Le feuilleté (avec un mix un peu plus liquide), étalé comme du pain aux raisins, avec des pistaches, noix et amandes concassées. Un peu de miel (d’acacia) au fond du moule et un peu pour l’arroser à la sortie du four. Beau succès auprès de la clientèle !
Des nouvelles… Toute la production de «Financier Pâtisserie» a été transférée de Brooklyn à Manhattan (afin d’être proche des huit boutiques et les approvisionner plus vite). Eric veillant toujours à la qualité qui a fait le succès de la marque.
Californie: « Cubic Kouign Amann au chocolat », par Christophe Moreau, Director Bakery and Coffee de « Bristol Farms/Lazy Acres » (TDM 24, Septembre 2015). Le chef l’a imaginé avec un cœur au chocolat, toutes proportions gardées en farine, sucre et beurre. Après la cuisson (dans un moule carré en revanche), et le gâteau refroidi, une découpe se fait au centre avec un cercle pour le remplir de ganache crémeuse, avec un chocolat 73% monté à la chantilly. « Je le sers frais, c’est comme cela que je le préfère. Il garde tout son coté croustillant, qui se perd si on le réchauffe. »
Des nouvelles… « Bristol Farms » reste sur son concept de chaîne alimentaire très haut de gamme en Bio, naturel et frais, avec la création d’une nouvelle branche «Lazy Acres», encore plus tournée vers les circuits courts. Le poste s’est élargi pour Christophe !
Colombie : « Kouign au cœur fondant à la goyave » de Camila Velez, Chef associée de «cocina soluciones », Bogota (TDM 31, Décembre 2016). En version classique, il est déjà un produit phare dans la gamme développée par la chef pâtissière. Pour sa revisite, elle s’est inspiré d’un dessert traditionnel qui associe une pâte de goyave (le ″bocadillo″, sorte de pâte de fruit, élaborée avec un sucre de canne non raffiné au goût intense), et de la mozzarella. L’autre inspiration venant du «pastel Gloria», met très populaire constitué d’une pâte feuilletée garnie au fromage, à la pâte de goyave… «J’ai mis la pâte de fruit au moment du pliage, qui donne après cuisson un cœur surprise tout fondant. C’est délicieux !»
Des nouvelles… Camila a lancé sa première gamme de bûches de Noël (l’une au chocolat, l’autre aux fruits rouges). Peu connu des colombiens, ce dessert a été plébiscité ! Sans parler des français expatriés…
Argentine : « Kouign à la Criolla » par Olivier Falchi, Executive chef du Sofitel Arroyo, Buenos Aires (TDM 27, Mars 2016). Le chef a respecté les bases, mais avec un cœur de confiture de lait (le «dulce de leche», si cher aux argentins !), qu’il a intégré à la poche au troisième tour. L’appareil ensuite enroulé dans un cercle pour ne pas se déformer. « Il est sorti très croquant et crémeux, un peu comme la texture d’un pain aux raisins avec de la crème pâtissière. Je l’ai servi à température ambiante et le verrais bien avec une glace à la vanille!». Premier à le tester, le breton Jean-Luc Mevellec (directeur d’Air France en Argentine). Que du plaisir !
Des nouvelles… Olivier prépare sa présentation au concours MOF cuisine (une extraordinaire expérience qu’il a décidé de renouveler). Rendez vous en France pour les présélections en Mai 2017.
Cap vers l’Asie
Japon : «Kouign Amann aux fruits rouges » par Frédéric Madelaine, «Le Pommier pâtisserie», Tokyo (TDM 26, Janvier 2016). Le chef l’avait déjà proposé avec beaucoup de succès dans sa version originale (au beurre normand, il n’oublie pas ses origines !). Il l’a décliné garni à l’intérieur d’une compotée de fruits rouges (myrtilles, framboises et groseilles additionnées d’un peu de sucre et de pectine), dans laquelle il intègre des cubes de pommes « kougyoku » une variété assez acide cultivée au nord du pays. Cubes confits une quinzaine de minutes dans l’appareil (en remuant souvent car il est peu sucré). «A la cuisson, le cœur s’ouvre et découvre la compotée. Ce gâteau n’est pas complètement moulé ni ″parfait″. Cela donne un coté artisanal que les clients aiment.»
Des nouvelles… Frédéric Madelaine a agrandi son laboratoire central (jouxtant la boutique de Kitazawa). Plus d’espace et de confort pour le travail, une production augmentée, dont pour sa ligne de chocolats. En mars, TBM fera découvrir quelques spécialités de ses ganaches (à la présentation très originale).
Taïwan : « Le K.A de Formosa » de Julien Perrinet, Executive pastry chef du Grand Hyatt Taipei (TDM 29, Septembre 2016). «K.A. c’est pour Kouign Amann. Formosa, parce que c’est l’ancien nom de l’île de Taïwan et je trouve que c’est joli…». Le chef breton a modifié les portions (avec moins de sucre et de beurre pour l’alléger et le mettre au goût du jour), en utilisant une pâte à croissant roulée dans le sucre, puis découpée en tranches pour avoir le coté croustillant. Il a ensuite joué pour le dressage en assiette, sur des ingrédients et des textures qu’il aime et se marient bien: une glace au beurre salé et sésame, du pop corn pour le coté crunchy et fun, une petite touche de fraise et de caramel au beurre salé. «Présenté à l’assiette, cela facilite la dégustation et donne l’opportunité d’associer chaque bouchée à sa guise.»
Des nouvelles… Le succès continue pour le chef, qui participe à des événements sur différents pays (dont en France au SIRHA), pour des marques françaises.
Retour vers l’Europe…
Suède : « Kouign Amann à la cardamome » de Sylvain Marron, pâtissier-chocolatier-confiseur Göteborg (TDM 28, Mai 2016). Le chef l’a allégé (750 g de beurre pour un kilo de farine), en y intégrant un produit phare de la culture scandinave. Ses deux premiers tours avec du beurre, les deux suivants avec du sucre, de la cardamome fraîche concassée, un peu de fleur de sel et quelques zestes très fins de citron frais. « J’ai voulu augmenter le coté agrumes de la cardamome et cela donne une belle association. » La cuisson s’est faite dans des moules de 8 cm, la pâte rabattue aux angles et au centre (qui donne une forme de fleur et apporte plus de fondant au gâteau). A déguster avec un chocolat chaud ou encore mieux, du café « cardamome, citron et café, cela va très bien ensemble ». Sylvain a proposé ce kouign pour les fêtes. Les clients ont adoré.
Des nouvelles… Le chef a beaucoup de projets en cours pour le développement de sa marque : nouveaux packagings, vente en ligne, création d’une nouvelle boutique…
Suisse : « Kouign montagnard » de Patrick Rajkowski, Responsable restauration, Etablissement Médico-Social Parc de la Suze, Bienne (TDM 22, Mars 2015). Patrick a conservé les proportions en farine, sucre et beurre, mais travaillé une pâte à pain façon focaccia, et une base de pâte à pizza à l’épeautre. « La farine d’épeautre n’est pas blanche, ce qui donne un coté ″terroir″, avec un goût qui donne plus sur la graine et une texture qui reste super croustillante.» Mise en forme de boudin et tourrée à trois reprises pour donner plus de couches, puis tranchée en douze portions ,accolées et cuites ensemble. Chaque portion prend une forme de fleur et se déroule comme un ruban, sans s’effriter. «On rompt et on partage, c’est un vrai plaisir, idéal pour une collation, mais qu’on ne peut se donner tous les jours vu sa richesse en beurre! »
Des nouvelles… Depuis août 2016, l’ancien cadre dirigeant de l’hôtel restaurant Jean-Jacques Rousseau a changé de cap, faisant un autre choix de qualité de vie, en apportant son expérience -et sa créativité !-, au service du monde de la santé.
Danemark : «Kouign Amann de Noël» par Frédéric Terrible, pâtissier-chocolatier-confiseur, Copenhague (TDM 25, Mars 2015). Le chef lui a donné une forme de sapin, en intégrant de la cannelle et de la vergeoise (très appréciées au Danemark), faisant un tourrage comme pour une pâte à croissant. Un avec du beurre, un autre avec du sucre. Le troisième en y ajoutant la vergeoise et la cannelle (en poudre). L’appareil étalé sur 60 cm (qu’il a laissé pousser avec un peu de sucre pour coller la pâte), mis dans un cercle à tarte «sinon, le tronc est trop en hauteur et ce n’est pas esthétique». Au résultat, une création savoureuse et jolie, travaillée en fin d’année avec ses élèves.
Des nouvelles… Frédéric continue d’augmenter la clientèle danoise et française de son école. Il prépare pour 2017 des modules spécifiquement dédiés aux professionnels de restaurants.
Italie : «Kouign Amann en version salée» de Jean-Marie Le Rest, Intendant et chef des cuisines de la Villa Bonaparte, Rome (TDM 23, Mai 2015). « Lorsque l’idée a été donnée de le revisiter, je me suis dit que cela pourrait être sympa et original de le faire en version salée, avec des saveurs qui viennent de mon nouveau pays d’accueil ». Trouver le bon équilibre entre la quantité de sel et de sucre n’a pas été évident. Sucre qu’il est impossible d’enlever complètement ! La quantité a donc été baissée, l’ajout du romarin développant le goût du sel. Le procédé d’abaisse et de cuisson restant le même.
Servi en entrée, il est présenté en trois mini portions avec un condiment tomate chorizo, un sorbet basilic et de la burrata. «Il va très bien en cocktail, avec une mozzarella dessus, une goutte de condiment tomate chorizo et une petite feuille de basilic. A servir tiède car en Italie la mozzarella se mange tiède. Nous l’avons aussi testé -sans romarin-, avec du beurre au sarrasin de Jean-Yves Bordier. C’est exceptionnel.»
Des nouvelles… Après l’Australie (et toujours détaché par la Marine nationale dans le corps diplomatique), Jean-Marie sert maintenant l’ambassade de France qui gère les relations avec le Saint-Siège.
Dernière escale : la Bretagne avec le «Crousti-Breizh», une création de Pièr-Marie Le Moigno « Pâtisserie Pièr-Marie », Lorient. L’ancien Chef pâtissier du Park Hyatt place Vendôme a rejoint sa ville natale pour ouvrir en juin 2014 , une boutique-salon de thé avec sa compagne Gaëlle. Pour ce «crousti-breizh» présenté en boîte d’une vingtaine de pièces, les proportions en farine, sucre et beurre son gardées. Le tranchage et la cuisson changent : l’abaisse est roulée sur elle-même, puis taillée très fin avec un couteau éminceur (le seul outil qui fonctionne, rendant l’opération longue et délicate). Ces «chips» sont ensuite cuits dans des moules individuels. «Pourquoi l’idée ? C’est une identité bien de chez nous, idéale pour une pause sucrée.». Une création à retrouver dans l’ouvrage «A la folie» de Raphaëlle Marchal (ed. Tana, paru en novembre dernier), qui réunit les coups de cœur de 60 pâtissiers français.
Avant de nous quitter, « rendons à César ce qui appartient à César ». Le kouign Amann (le vrai, le pur !), est originaire de Douarnenez (Finistère). Des artisans locaux ont créé l’association « Le Véritable Kouign Amann de Douarnenez », qui veille activement à préserver son histoire et ses techniques.