Le son et les légumineuses, deux ingrédients majeurs pour améliorer la valeur nutritionnelle du pain

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Pendant longtemps, le pain a été perçu comme un aliment essentiel, chargé d’une valeur symbolique si forte que la boulangerie en a négligé de communiquer sur sa qualité nutritionnelle réelle. Ces temps sont révolus et l’ensemble de la filière blé pain devra se remettre en question.

En effet, le pain est un aliment sur lequel les consommateurs ont une très faible visibilité nutritionnelle, d’autant que la signification des types de farine demeure hermétique pour le grand public. Pourtant, de nombreux consommateurs s’interrogent sur le meilleur pain qu’ils devraient consommer pour leur santé. C’est une interrogation récurrente et, jusqu’à présent, la boulangerie a souvent éludé cette question en affichant l’excellence de la baguette de tradition. Même si la qualité gustative de cette baguette ne peut être remise en question, il est impossible de la promouvoir comme un pain de haute valeur nutritionnelle compte tenu de sa fabrication avec des farines trop blanches appauvries en fibres, minéraux et vitamines. Cela provient entièrement des particularités du grain de blé qui accumule spécifiquement ces éléments dans les enveloppes, au détriment de leur teneur dans l’amande farineuse. De ce fait, la valeur nutritionnelle du pain ne peut être accrue que par l’ajout d’une partie des enveloppes à la farine blanche ou par l’utilisation d’autres ingrédients riches en fibres. Cela permet de produire une grande diversité de pains dont il faut garantir la bonne valeur nutritionnelle aux consommateurs par une appellation appropriée. Cette démarche est d’autant plus nécessaire que la consommation de pain ne cesse de diminuer, parce que son intérêt nutritionnel paraît secondaire pour beaucoup de personnes.

Actuellement, il existe seulement deux catégories de pains : les pains ordinaires et les « pains tradition ». Le décret n°93-1074 du 13 septembre 1993 réglemente l’usage de l’appellation « pain de tradition française » qui interdit l’utilisation d’additifs en panification, et précise des seuils de pH à ne pas dépasser pour les pains au levain. Ce décret n’apporte aucune garantie sur le plan nutritionnel, en ne donnant aucune consigne sur le type de farine à utiliser. Bien que des pains, autres que la baguette, confectionnés avec des farines bises ou plus complètes auraient pu bénéficier de l’appellation pain de tradition française (garantissant l’absence d’additifs), cela n’a pas vraiment été le cas. On peut même dire que le décret pain de tradition a servi presque exclusivement à la baguette et à sa promotion. Puisqu’il en est ainsi, il convient maintenant de créer une autre appellation pour garantir la valeur nutritionnelle d’une autre catégorie de pains, produits avec une diversité beaucoup plus large de farines et de graines. Actuellement, il existe donc sur le marché une très grande variété de pains de blé, de pains T80, semi-complets, complets, de pains multigraines ou comprenant des proportions plus ou moins importantes d’autres céréales et de légumineuses. Cette large gamme de pains, qui affichent une plus grande richesse en fibres que les pains blancs, ne présente aucune garantie d’absence d’additifs, étant donné qu’ils ne sont pas vendus sous l’appellation pain de tradition. Il est probable d’ailleurs que les farines dont ils sont issus soient chargées d’additifs vu qu’elles sont plus difficiles à panifier qu’une simple T65. Il est donc important d’assainir cette situation.

De plus, à la différence des pains artisanaux dont la valeur nutritionnelle ne peut être affichée en l’absence d’emballage, les pains emballés vendus en supermarché sont maintenant dotés d’un Nutriscore qui garantit leur qualité nutritionnelle. Il est donc nécessaire que la boulangerie artisanale se dote d’une autre appellation, telle que « le pain nutrition », pour garantir une bonne qualité nutritionnelle, ainsi que l’absence d’additifs, à l’instar du pain de tradition française. Cette réflexion est en cours, sans doute sur la bonne voie, mais il faut laisser le temps aux instances professionnelles de s’emparer de ce sujet. Finalement, dans le paysage boulanger, il y aurait seulement deux appellations, le pain de tradition française et le pain nutrition.

La nouveauté pour le pain nutrition serait que la farine de base soit au moins de T80, quelle que soit la manière dont elle est obtenue (farine de meules, de moulins à cylindres ou mélange de farine blanche et intégrale). Les trois autres points majeurs seraient la fermentation au levain, une nouvelle réduction du sel et, enfin, l’obligation de préciser le pourcentage de graines utilisées. Cela fait plusieurs années que je travaille avec vous dans cette voie : j’ai même écrit le livre Sauvons le pain à ce sujet (Éditions Thierry Souccar). Dans chaque tribune, j’essaie de vous proposer une solution concrète pour accroître la valeur nutritionnelle du pain. Aujourd’hui, je vous suggère d’utiliser à poids égal le son et une farine de légumineuses pour enrichir le pain. Le son, qui gagne à être d’origine bio, est une denrée peu chère qui est dix fois plus riche en fibres et en minéraux qu’une T65, et les farines de légumineuses (lentilles, pois chiches, soja) sont au moins deux fois plus riches en protéines et souvent quatre à cinq fois plus riches en fibres et minéraux qu’une T65.

Pour un kilo de T65, on prépare 100 g de son et 100 g de farine de lentilles. On hydrate ces 200 g avec 0,45 l d’eau et on ajoute 20 g de levain pour une fermentation de 24 heures à température ambiante. Ce levain n’est pas très acide parce qu’il est fortement minéralisé. Cela donne une forte proportion de levain, 650 g pour un kilo de farine et autorise un pointage d’environ 5 heures sans risque d’acidification ; 12 g de sel au kilo de farine suffisent.

La solution la plus simple pour accroître la valeur nutritionnelle du pain est de préparer un levain de son et de légumineuses. Ces deux ingrédients permettent de préparer un levain peu acide qui peut être utilisé en proportion importante dans la panification.

N’hésitez pas à me faire vos retours.
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