Pour continuer de progresser, la boulangerie doit maintenant communiquer sur la valeur nutritionnelle du pain

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Christian Remesy
Christian Remesy

Chers boulangers, ça fait plus de 20 ans que je vous exhorte à améliorer la valeur nutritionnelle du pain, que je vous livre quelques pistes nouvelles pour y parvenir. L’enjeu est considérable, le pain peut devenir un aliment exemplaire qui garde un statut unique en couvrant l’essentiel des besoins nutritionnels humains. J’observe que mes efforts n’ont pas été vains, que l’offre du pain s’est nettement améliorée et qu’un changement salutaire est maintenant amorcé, mais il reste beaucoup à faire pour remettre l’ensemble de la filière sur de bons rails. Je vous ai souvent exhorté à modifier vos procédés de panification, mais pour aller plus loin dans cette démarche, vous devez en quelque sorte prendre à témoin les consommateurs et accepter enfin de communiquer sur tous les paramètres de la panification. Jusqu’à présent, vous avez fait l’exploit de tenir le public éloigné du fonctionnement du fournil et de proposer des pains identifiés par leur seule apparence et un nom d’usage commercial. Rassurez-vous je ne veux pas rendre obligatoire l’étiquetage du pain, j’ai des solutions meilleures à vous proposer.

La première explication basique qui devrait être affiché dans toutes les boulangeries est la signification du type de farine. Comme vous le savez, le type (déterminé par la teneur en minéraux d’une farine) a été instauré par les pouvoirs publics pour contrôler la pureté des farines en son et encadrer l’activité des meuniers. Le législateur ayant conçu le type comme un contrôle de fraudes, l’intérêt du type comme marqueur remarquable de la valeur nutritionnelle de la farine en minéraux mais aussi en fibres, vitamines et autres micronutriments n’a jamais été explicité et mise en valeur dans l’étiquetage des paquets ou des sacs de farine, ni bien sûr dans les boutiques de boulangerie. Il est surprenant qu’un tel obscurantisme puisse perdurer. Croyez-vous que si vous affichiez un tableau de composition des farines en fonction de leurs types, vous pourriez encore faire des baguettes avec une T 65 plutôt qu’avec une T 80. Quel est le parent désireux de mieux nourrir ses enfants qui ne choisirait pas un pain type 80 plutôt que le traditionnel T 65. L’information changerait tout et rien ne s’y oppose, le rendement meunier serait meilleur, l’hydratation améliorée, la baisse du sel facilitée. Alors n’attendez plus pour franchir ce pas et je tiens à  votre disposition ces tableaux de composition des farines en fonction de leurs types. Une autre clarification s’impose, que je sache, les meuniers ne vous livrent pas que des farines natives, or le public préférerait certainement  que la farine ne soit pas additionnée en gluten vital ou en diverses enzymes, voire enrichi en additifs dans certains cas. Pourquoi ne pas rassurer les consommateurs sur le mode de conservation du grain au silo et aussi sur l’origine du blé. Voilà un effort de clarification qui serait apprécié par la clientèle des boulangers qui voudront bien prendre cette initiative. Et il me semble que progressivement ce type d’initiative gagnerait à être généralisé.

Mais ne nous arrêtons pas en si bon chemin. Croyez-vous que les consommateurs ne sont pas informés de la nocivité du sel et pourquoi vous sentiriez vous dispensés de préciser les quantités exactes de sel ajoutés par kilo de farine ; le simple fait d’avoir à donner cette information vous inciterait à plus de modération, à réduire le sel à 15g par kilo et idéalement à 12g. Il serait logique aussi que le consommateur puisse connaître la nature et le pourcentage de graines ou d’autres ingrédients incorporés dans le pain.

Le mode de panification lui-même est aussi une boîte noire pour le consommateur, réduit à faire une confiance aveugle à l’art du boulanger. Il me semble élémentaire que le boulanger justifie la nature du ferment utilisé, en indiquant qu’il utilise la levure seulement pour les farines blanches et qu’il a recours au levain pour panifier des farines bises ou complètes ou d’autres ingrédients riches en fibres ou en acide phytique, puisque c’est nécessaire pour rendre biodisponibles les minéraux, ou d’autres éléments, voire pour améliorer la digestibilité du gluten. Le simple fait de devoir informer clairement les consommateurs amorcerait un changement salutaire en panification. Le boulanger gagnerait même à communiquer sur d’autres étapes clé de la panification, en indiquant par exemple qu’il pratique un pétrissage très modéré proche du pétrissage manuel, qu’il procède à un faible ensemencement pour permettre une longue maturation de la pâte, qu’il fait donc tout le nécessaire pour que le pain soit très digeste et nourrissant. Certes chacun d’entre vous peut prendre des initiatives pour mieux communiquer sur le pain, mais il serait souhaitable aussi que les organisations professionnelles accompagnent les boulangers dans cette démarche. Dès à présent, je vous incite à prendre les devants et à créer cette dynamique autour du pain de haute qualité nutritionnelle que j’appelle de mes vœux.

Types de farine par Christian REMESY

Ci-dessous le même tableau, sous forme de texte :

Type de farine et densité nutritionnelle

Types de farineT55T80T110T150
Protéines (g/100g)11,511,81213
Glucides (g/100g)71676560
Fibres (g/100g)4,256,511,5
Acide phytique (mg)180480610950
Phosphore (mg)120175208320
Magnésium (mg)305070110
Calcium (mg)15202435
Fer (mg)1,21,82,33,9
Zinc (mg)0,91,61,92,9
Vitamine E (µg)3406159501400
Vitamine B1 (µg)140260330580
Vitamine B2 (µg)48607095
Vitamine B6 (µg)45243350460
Folates (µg)16224587

Le type de farine est un bon indice de la densité des farine en micronutriments.