En ces temps compliqués de concurrence déloyale que nous vivons tous, prendre un peu de recul pour analyser la situation de nos entreprises est une exigence fondamentale. Cette hauteur de vue est nécessaire pour envisager et mettre en place une stratégie gagnante pour notre secteur économique.
Bien entendu, ce principe est valable dans de nombreux domaines de notre quotidien : l’adéquation de l’offre de produits et de services par rapport au type de clientèle à qui on s’adresse, la cohérence de choix des produits commercialisés, leur finalité et fonction, la politique de prix et d’approvisionnements, la gestion humaine comprenant la constitution des équipes, la formation, la transmission, la communication à travers la philosophie globale de l’entreprise… Nous pourrions assurément dire que les éléments que nous venons d’énumérer, malgré leur grande importance, sont secondaires par rapport à l’emplacement commercial, qui finalement est la cause de toutes les autres causes, et souvent en dernier ressort la solution à de nombreuses difficultés. C’est ce dernier qui offre ou pas une praticité pour le consommateur, c’est ce dernier qui détermine également la qualité de vie dans le travail, qui transpire sur l’ambiance au magasin et que ressent le client… Parce que si le business est bon, le moral des équipes l’est également et les efforts pour faire de la qualité sont beaucoup moins pesants.
Dans ce billet, nous nous intéressons donc uniquement à l’urbanisme commercial des périphéries de ville ou de lieux remodelés ou nouvellement urbanisés. Bien évidemment, cette analyse partielle ne s’applique pas à certains cas particuliers que peuvent être des emplacements de centre-ville ou de zones rurales où la problématique est préoccupante mais différente. L’énorme problématique des centres villes et des milieux ruraux mérite à elle seule un dossier complet. L’artisan boulanger, comme de nombreux commerçants, a de tous temps sous-estimé l’évolution permanente de notre environnement. En effet, trop d’artisans conçoivent l’emplacement de leur entreprise de boulangerie ou autre commerce comme quelque chose qui est stable, non délocalisable ; or, il n’en est rien ! Cela est sans doute lié au fait que les investissements sont lourds et que le matériel est très difficile à déplacer, en particulier le four, mais aussi à l’aspect juridique des baux commerciaux et leur impact financier.
Dans le passé, il y a eu quelques présidents (peu nombreux) à la CNBP et à l’APCM qui ont travaillé, dans un dialogue avec les pouvoirs publics, sur l’urbanisme commercial en tant qu’instrument protecteur des emplacements de nos entreprises. Force est de constater que rien n’est venu et ne vient de ce côté-là. Il faut donc envisager d’autres solutions pour maintenir nos activités artisanales. Ces solutions existent : c’est d’abord se déplacer sur des emplacements stratégiques gagnants. Dans un département comme le mien, les boulangeries artisanales indépendantes qui se sont créées ou se sont déplacées représentent au moins 20% des artisans de ce département à ce jour. Il y a un élément capital à noter : depuis 1983, aucune de ces créations n’a fermé, malgré des implantations de chaînes de franchise en quantité conséquente, alors même que le nombre d’artisans du département s’est effondré en 20 ans malgré la hausse de la population départementale !
Autre élément, ces entreprises artisanales dotées d’outils de travail performants et bien placés se vendent et trouvent les financements pour les repreneurs. Ce qui se passe dans mon département peut être largement étendu à de nombreuses régions de France. Nous constatons donc une corrélation avérée entre maintien de l’activité et qualité de l’emplacement. Nous avons aussi besoin d’évoluer dans nos états d’esprits. A titre d’exemple qui se retourne contre nous artisans, dans mon département, nous sommes nombreux à connaître un emplacement commercial numéro 1 pour lequel un collègue artisan a été sollicité.
Ce boulanger a décliné l’offre, cette offre a été proposée ensuite à un ami à lui, qui, pour ne pas perdre l’amitié de son ami a lui aussi refusé ! Résultat à ce jour, c’est une boulangerie de chaîne, et elle fait le plus gros chiffre d’affaires de la région Auvergne ! Au-delà de ce simple constat très « éclairant », la photographie de cette évolution ou situation nous dit quelque chose. Elle nous dit que nous pouvons investir et occuper le maillage commercial territorial. Si les chaînes s’implantent c’est aussi parce que la nature a horreur du vide. Et qu’il y a effectivement par endroits un vide. Lorsque nous savons qu’une chaîne ne s’implante pas en dessous d’une estimation de chiffre d’affaire potentiel qui est bien supérieure au seuil de rentabilité d’une boulangerie artisanale, cela veut dire que nous pouvons engager le combat avec de grandes chances de réussite, à condition de le vouloir.
Arrêtons le pessimisme ambiant. Certes il faut être réaliste, mais nous avons toutes les armes pour rester maître de notre destin. Bien sûr il y a la concurrence déloyale, mais ce n’est pas le sujet de mon billet et c’est aux organisations professionnelles d’assumer leur rôle sur ce point. Là, nous parlons directement de ce que nous pouvons faire nous-mêmes dans la zone de chalandise ou d’existence de notre entreprise. Si nous sommes artisans, c’est aussi pour avoir cette liberté d’action là…
Soyons factuels, agissons face nos concurrents, soyons actifs en prenant en main notre destin…
Comprendre, avant d’entreprendre pour réussir…
Amandio PIMENTA