Promouvoir la diversité patrimoniale et le savoir-faire artisanal des boulangers : telle est la mission de la Coupe de France de la Boulangerie dont la 17e édition a été remportée par une équipe de Pays de la Loire, composée d’Erwann Guillois, boulanger-conseil à la Minoterie Bourseau, Simon Lebert, alternant boulangerie au sein du même établissement, et Rémy Cloarec, maître-artisan à la tête de la Maison Cloarec, située à Saint-Herblain, en Loire-Atlantique. Ils porteront les couleurs de l’Hexagone lors de la Coupe de la Boulangerie Artisanale organisée le 19 octobre 2025 pendant le salon Serbotel à Nantes.
Que ressentez-vous après cette victoire ?
Simon Lebert : Soulagé du poids de la préparation ! Ce fut une magnifique aventure, nous gardons beaucoup d’humilité par apport à cette victoire car on était clairement les outsiders !
Rémy Cloarec : Très surpris et très content, car nous avons fait face à douze superbes équipes. Ce qui a pesé dans notre balance, c’est que nous n’avons pas fait beaucoup d’erreurs.
Erwann Guillois : Très heureux d’avoir pu décrocher le titre ! Maintenant, nous sommes tournés vers nos prochains objectifs, notamment la Coupe d’Europe. Nous sommes très heureux et reconnaissants envers toutes les personnes qui nous ont accompagnés.
Comment vous êtes-vous préparés ?
S. L. : Pour moi, qui suis alternant en train de passer mon brevet de maîtrise, c’était une première expérience dans la préparation d’un concours d’une telle envergure. Je retiendrai notamment la rencontre décisive avec Adeline et Vincent Boué qui nous ont soutenus sur la conception de pochoirs et de moules.
R. C. : Au sein de l’équipe, nous étions très complémentaires. Mener de front une préparation à la Coupe de France et une entreprise où on est 42 a aussi été un vrai challenge, surtout pendant la période de Noël. J’ai une pensée pour toute mon équipe qui a contribué à m’aider à me remplacer à mon poste.
E. G. : Christophe Bourseau a mis à notre disposition le laboratoire pour pouvoir nous entraîner quand on ne travaillait pas. La préparation a demandé beaucoup de sacrifices, mais j’ai trouvé cela très formateur. Grâce au concours, on peut aller chercher des créations que l’on ne peut pas faire en boutique. En tant qu’artisan, c’est très agréable de pouvoir pousser les limites de notre métier, d’aller chercher les meilleurs produits, les goûts et les visuels.
« La nature au service de notre métier » était le thème de cette Coupe de France. Quelle est la réalisation qui vous a le plus challengés ?
S. L. : La viennoiserie de création et d’improvisation, intitulée Maya, qui représente une abeille avec beaucoup de détails. Le corps est fait en pâte levée feuilletée, avec des stries jaunes et noires faites à base de curcuma et de charbon actif. Il est garni à l’intérieur avant et après cuisson. Après cuisson, on a ajouté les six pattes, les ailes et la tête en relief faites à base de pâte à cigarette. Cette pièce a été une très grosse prise de risque, décidée collectivement. Erwann et Rémy m’ont poussé pour que j’aille au bout de mon idée.
R.C. : L’entièreté de la réalisation a été stressante, surtout le temps de séchage. Le tronc m’a vraiment posé problème, car il avait du mal à sécher lors des phases d’entraînement. Le jour J, il aurait vraiment pu tout faire tomber.
E. G. : Je dirais que la capsule de bière a été un vrai défi technique et esthétique. La pâte a été réalisée par méthode inversée : on hydrate la farine tant pour tant avec le liquide qui était une bière Médusa, provenant de la Brasserie Mélusine située en Vendée. Puis, on ajoute un peu de ferments – ce qui m’a demandé du temps afin de trouver la bonne dose pour ne pas déstructurer la recette –, un gramme de levure et du levain liquide, avant de mélanger ces quatre ingrédients pour une fermentation à 17 degrés pendant toute la nuit. Le lendemain, on vient incorporer le sel à la maryse et faire couler la pâte dans les moules de capsule de bière, chemisés au fond avec une pâte « morte ». Puis, on la cuit 20 minutes. Ce ne sont pas des techniques habituellement utilisées en boulangerie mais cela permet de développer des arômes et de gagner du temps.
Quel serait votre meilleur conseil pour ceux qui voudraient marcher dans vos pas lors de la prochaine édition de la Coupe du Monde de la Boulangerie ?
S. L. : Faire preuve d’audace et de maîtrise : c’est ce qui a marché pour nous !
R. C. : Miser sur l’esprit d’équipe : notre bonne entente à tous les trois est un facteur de notre succès !
E. G. : Mettre de sa personnalité dans les créations présentées ! On parle beaucoup d’identité culinaire pour les cuisiniers, mais cela s’applique aussi aux boulangers. Quand un produit est confectionné à notre image, il est plus facile de le défendre devant un jury.
Avec votre expertise, quelles tendances voyez-vous marquer le monde de la boulangerie aujourd’hui ?
S. L. : Le striage est une méthode qui se développe depuis cinq ans maintenant, mais je crois qu’il ne faut pas oublier le goût de la viennoiserie faite maison, qu’elle doit devenir de nouveau un marqueur fort pour les boulangers. Par exemple, il est important de savoir faire fermenter une pâte à croissant pour avoir un beau volume et se démarquer de la concurrence.
R. C. : Utiliser des ingrédients de sa région me semble être essentiel tout comme travailler des produits sains, avec du levain pour respecter le client et faire du bon. Le snacking est aussi un axe de développement incontournable : cela a sauvé de nombreuses boulangeries. Au sein de Maison Cloarec, cela représente 40 % de mon chiffre d’affaires.
E. G. : Travailler avec du levain en boulangerie me paraît aujourd’hui être essentiel pour donner du goût, du caractère mais aussi pour favoriser l’aspect nutritionnel des produits confectionnés. Il est aussi intéressant d’explorer de nombreuses recettes avec la fermentation.
Propos recueillis par Anaïs Digonnet