Parlons nutrition en matière de pain, par Amandio Pimenta

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Nous, artisans et industriels, sommes responsables de l’équilibre nutritionnel de nos clients. L’organisme de l’être humain est comparable à un moteur, si le carburant est de mauvaise qualité, au bout d’un certain temps le moteur s’encrasse et c’est la panne sectorielle ou plus générale entraînée par une usure prématurée de l’ensemble des mécanismes. Pour les êtres humains que nous sommes, ce mauvais carburant a pour conséquences avérées des maladies graves, c’est la vie à terme qui est remise en cause et parfois peut être perdue.

Certains rétorqueront que nous ne vendons que du pain, et que ce sont surtout les autres aliments qui sont responsables de toutes ces carences ou maladies liées à un mauvais équilibre alimentaire : maladies cardio-vasculaires, cholestérol, diabète, manques d’acides aminés ou d’acides gras essentiels, hypertension, cancers… Ils pensent ainsi être exonérés de leur responsabilité nourricière en ne faisant que du commerce. Il n’en est rien, et nous allons essayer de le démontrer à travers quelques exemples, car ce serait trop long de les multiplier pour un article d’une ou deux pages.

D’abord le constat partiel sur les études épidémiologiques :

En France, par exemple 100% des femmes au-dessus de trente ans manquent de magnésium, et 70% des hommes dans la même tranche d’âge. Pour que nous ayons le droit de promouvoir les allégations nutritionnelles du pain en France, il faudrait que des études épidémiologiques aient démontré qu’il y a des carences dans l’alimentation des Français. A ce jour toutes les allégations nutritionnelles dont nous disposons sont issues directement des études épidémiologiques et ces allégations auquel le pain peut prétendre sont très nombreuses.

Citons-en quelques-unes : le pain est riche en magnésium, riche en fibres, riches en acides gras oméga3, pauvre en sodium.

Quel rôle pouvons-nous avoir, nous boulangers, à partir de ce constat ?

Nous pouvons apporter des fibres et avec les fibres tous les minéraux et oligo-éléments qui y sont obligatoirement associés. Nous pouvons apporter des acides gras essentiels avec les graines et céréales diverses. Nous pouvons également améliorer considérablement la qualité des protéines du blé en y associant une part de légumineuses ou farine de graines ayant tous les acides aminés essentiels.

Nous pouvons aussi utiliser des farines peu oxydées ou incorporer 10 à 15% de blé entier et plus, fraîchement éclaté, ce qui, malgré une perte à la cuisson, améliore de façon importante la teneur du pain en vitamines. Nous pouvons réduire la quantité de sodium, et par différents mécanismes ou compositions faire en sorte que la baisse de sel ne soit pas perceptible au goût. Il est aussi possible d’abaisser considérablement les indices glycémiques pour les diabétiques et au bénéfice de tous par l’application technique de procédés de fabrication vertueux. Bref, nous avons de très nombreux leviers pour agir de façon efficace et responsable.

Pour éclairer de façon concrète ces propos, prenons un exemple que m’ont remonté de nombreux clients sur plusieurs années : Au début des années 2000 a été mis en place par le gouvernement le Plan National Nutrition et Santé (PNNS) devenu depuis PNA. Je me suis complètement investi dans les préconisations de ce plan pour le pain.

Il s’agissait de proposer au client du pain de type 80 en prenant de la farine de type 65 à laquelle on ajoutait 15% de B1 préalablement mis à tremper et à fermenter avec un peu de levain pendant 24 heures avant le pétrissage. Personnellement j’ai acheté un moulin du Tyrol et j’utilisais du blé entier bio grossièrement éclaté du jour. Cette façon de faire multipliait le taux de vitamines après cuisson par trois par rapport à du pain blanc, et avait un gros avantage visuel, la mie ayant une couleur qui se rapprochait plus du type 65 que du type 80, du fait des grosses particules de blé entier éclaté.

Travaillant au levain liquide à l’époque, je parvenais à une totale biodisponibilité des minéraux pour l’organisme. Tout ce travail a fait l’objet de portes ouvertes à objectif pédagogique, de publicité sur le lieu de vente et d’articles dans la presse. Les clients étaient largement informés et ont adhéré sans hésitation à la démarche. Le résultat est parlant : 12 quintaux panifiés par semaine sur 5 jours d’ouverture, mon successeur continue toujours depuis mon départ en 2009.

A ma grande surprise, les premiers résultats sont apparus environ un an et demi après le début de cette démarche. Plusieurs clients m’ont dit qu’ils n’avaient plus besoin de prendre de vitamines B6 et de magnésium. Leurs tressautements de paupières avait disparu, et pour certains les crampes musculaires également !  Autrement dit leur organisme s’était reminéralisé dans la durée, lentement mais sûrement, grâce à  la présence des fibres et des minéraux associés ainsi qu’au travail sur la biodisponibilité des minéraux permis par le levain ! Merveilleux non ?

Cette façon de procéder permet une assimilation complète des minéraux et oligoéléments par notre organisme.

Quelques mots sur la biodisponibilité des minéraux et en particulier du magnésium

Pour l’obtenir, il est essentiel d’éliminer une partie de l’acide phytique. L’acide phytique est présent dans les graines et céréales pour permettre à celles-ci de germer lors de la plantation donnant ainsi la vie à une nouvelle plante. Cependant la grande quantité d’acide phytique présente dans la farine a un inconvénient majeur, car il empêche l’organisme d’assimiler les minéraux. Il faut donc que le boulanger, par son travail, élimine l’excèdent d’acide phytique. Pour cela, il dispose de deux moyens : le levain naturel et les longues fermentations. Les phytases du levain vont sur la durée dégrader l’acide phytique et permettre ainsi ce que l’on appelle la biodisponibilité des minéraux par l’organisme. Il n’est point besoin d’avoir un pain très acide avec par exemple l’appellation levain avec un PH de 4,2 ou 4,3. Un PH de 4,5 a 4,8 permet une biodisponibilité optimale des minéraux. Comme par ailleurs dans la nature tout est question d’équilibre, il restera un peu d’acide phytique dans le pain et c’est une bonne chose parce que celui-ci en se combinant aux autres nutriments et réactions pendant la digestion va avoir une action bénéfique anti oxydante.

Voila un exemple concret et factuel des bienfaits que peut apporter le pain en matière de nutrition et il y en a bien d’autres. C’est pour cela qu’avec mes amis « Ambassadeurs du pain » Nous avons créé un livre de référence sur ces sujets : RESPECTUS PANIS 2

Cet ouvrage est une véritable boîte à outils permettant à chacun de créer ses propres recettes en maîtrisant les goûts et les prix de revient. Il montre les chemins pour rechercher toutes les allégations nutritionnelles qui valorisent notre savoir-faire. Il permet de comprendre pourquoi les industriels ne pourront jamais nous concurrencer, si nous pratiquons avec honneur, transparence, et sérieux notre beau métier.