Pourquoi cette candidature ?
En 2017, la Confédération Nationale de la Boulangerie-Pâtisserie Française (CNBPF), présidée par Dominique Anract, lançait la démarche pour inscrire « les savoir-faire artisanaux et la culture de la baguette de pain » à la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO.
Convaincus que les valeurs de convivialité et de partage, le caractère populaire et le lien social véhiculés par la baguette de pain rendent ses savoir-faire et sa culture dignes d’être reconnus par l’UNESCO, les artisans boulangers-pâtissiers souhaitent également sensibiliser à la richesse des savoir-faire liés à la préparation de la baguette et à l’importance de leur transmission aux générations à venir.
Cela est particulièrement important compte tenu des menaces qui pèsent sur ces savoir-faire artisanaux : industrialisation, baisse du nombre de boulangeries, en particulier dans le monde rural. En 1970, on comptait 55 000 boulangeries artisanales (une boulangerie pour 790 habitants) contre 35 000 aujourd’hui (une pour 2 000 habitants), soit une disparition de 400 boulangeries par an en moyenne depuis 1970. C’est surtout dans les communes rurales que le nombre de boulangeries-pâtisseries a fortement régressé.
Dominique Anract, président de la Confédération Nationale de la Boulangerie-Pâtisserie Française
« C’est une reconnaissance pour la communauté des artisans boulangers-pâtissiers et pour la Confédération Nationale de la Boulangerie-Pâtisserie Française. La baguette c’est de la farine, de l’eau, du sel, de la levure et le savoir-faire de l’artisan. »
Comment la candidature a t-elle été préparée ?
Pour préparer la candidature, la CNBPF a pu compter sur la mobilisation de plusieurs acteurs :
Un comité de pilotage
Présidé par Dominique Anract, président de la CNBPF, il rassemble les représentants de la filière blé-farine-pain (meuniers, céréaliers, producteurs de levure, équipementiers, salariés de la boulangerie artisanale, apprentis boulangers, enseignants, formateurs, etc.),
Un comité scientifique
Présidé par Bruno Laurioux, président de l’Institut Européen d’Histoire et des Cultures de l’Alimentation, il réunit des spécialistes aux expertises complémentaires (historien, sociologue, anthropologue, spécialiste de la formation, etc.),
Un comité de soutien
Il regroupe plusieurs centaines de personnes à travers le monde dont de nombreux parlementaires français et présidé par Catherine Dumas, sénatrice de Paris.
Bruno Laurioux, président de l’Institut Européen d’Histoire et des Cultures de l’Alimentation et président du comité scientifique
« L’IEHCA, qui avait initié le processus d’inscription du Repas Gastronomique des Français, a mis au service de la candidature son expertise et son expérience en matière de patrimoine culturel immatériel de l’alimentation. Nous avons été heureux de prendre part à cette belle aventure et de voir cet effort collectif couronné de succès. »
Quel est le contenu de cette candidature ?
La baguette est emblématique du patrimoine artisanal et alimentaire français. Tous les jours, 12 millions de consommateurs poussent la porte d’une boulangerie et plus de 6 milliards de baguettes sortent des fournils chaque année. Se rendre à la boulangerie est une véritable pratique sociale qui rythme la vie des Français : les oppositions entre classes sociales, régions et villes-zones rurales sont transcendées.
Un sondage réalisé en 2018 par le CSA révèle que 9 Français sur 10 soutiennent cette candidature ! Le président de la République française Emmanuel Macron a apporté son soutien « plein et entier » et a qualifié la baguette « de 250 grammes de magie et de perfection ».
Catherine Dumas, Sénatrice de Paris, Conseillère de Paris, Présidente du Comité de soutien à la candidature UNESCO
« Ce classement UNESCO témoigne d’une pratique sociale quotidienne rythmant la vie des Français qui transcende les catégories sociales, les classes d’âges et les limites géographiques. Il valorise la boulangerie artisanale et, au-delà, l’ensemble de la filière (agriculteurs, meuniers, producteurs de levure et de sel). Il protège, enfin, notre baguette de pain, un marqueur national de l’identité française, bien ancré dans nos territoires. Bravo aux 33 000 boulangers de France ! »
En France, la baguette va de soi et il n’est pas toujours aisé de mettre des mots sur des pratiques sociales que l’on connait depuis l’enfance. Afin de caractériser finement ces pratiques, les artisans boulangers-pâtissiers ont pu compter sur l’expertise de l’Institut Européen d’Histoire et des Cultures de l’Alimentation (IEHCA) et de l’Université de Tours, dont le Pôle Alimentation réunit de nombreux domaines scientifiques autour de la thématique transversale de l’alimentation. Des élèves de master de l’Université de Tours ont questionné et observé des artisans boulangers-pâtissiers et des amateurs de baguettes dans le cadre d’une enquête
anthropologique pour enrichir la candidature menée en 2019-2020.
Claire Verriele, étudiante en Master de sociologie « Métiers de la recherche en sciences sociales » de l’Université de Tours
« Cette expérience m’a permis d’aller à la rencontre des Français dans les boulangeries. J’ai réalisé l’importance de ces lieux dans notre pays. On ne s’en rend pas forcément compte mais dans tous les quartiers ce commerce est présent et représente pour certaines personnes isolées, leur seul contact humain de la journée. L’acte quotidien de l’achat d’une baguette permettant une relation privilégiée avec les membres de la boulangerie ».
La candidature est organisée en deux volets : les savoir-faire artisanaux et la culture de la baguette. Ainsi, cette candidature est celle de la communauté des artisans-boulangers pâtissiers, mais aussi de celle des amateurs de baguettes à travers le monde !
La candidature est…
Valorisante pour l’ensemble de la filière : Pour réaliser cette candidature, les artisans boulangers-pâtissiers se sont appuyés sur tous les professionnels de la filière blé-farine-pain (meuniers, céréaliers, producteurs de levure, équipementiers, salariés de la boulangerie artisanale, apprentis boulangers, enseignants, formateurs, etc.). Avec une surface de 5 millions d’hectares, le blé tendre couvre plus du quart du sol labourable français.
Populaire et fédératrice : le dossier témoigne d’une pratique sociale quotidienne rythmant la vie des Français, qui est populaire et fédératrice et transcende les catégories sociales, les classes d’âges et les limites géographiques.
Axée vers l’apprentissage : le dossier fait la part belle à la transmission des savoir-faire par l’apprentissage, qui concerne plus de 29 000 apprentis pour la boulangerie-pâtisserie dans toute la France. Elle a pour but de sensibiliser à la richesse des savoir-faire liés à la préparation de la baguette et à l’importance de leur transmission aux générations à venir.
Ancrée dans les territoires : 3 boulangeries sur 4 en France ont un effectif de moins de 6 salariés et elles sont réparties sur tout le territoire. Elles contribuent significativement à la préservation des centres-villes et au dynamisme des territoires. Dans les zones rurales reculées, la boulangerie reste souvent le seul magasin ouvert.
Christiane Lambert, Présidente de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles
« Cette haute distinction accordée aux « savoir-faire artisanaux et de la culture de la baguette de pain » –un symbole de la France à elle seule !– c’est la reconnaissance du savoir-faire de la culture du blé tendre en France, une première en Europe. Un hectare de blé permet de produire 25 000 baguettes de 250 g, cultivées de manière durable et responsable par des agriculteurs dont l’activité crée et maintient de l’emploi pour des territoires dynamiques. Ce sont eux qui permettent le maintien du lien social grâce à des produits de qualité, traçables et sains. Les agriculteurs sont fiers d’être le premier maillon d’une longue et belle tradition, qui participe à l’identité de la France et qui mérite d’être remarquée et protégée ! ».
Jean-François Loiseau, Président de l’Association nationale de la Meunerie Française, président d’Intercéréales
« L’inscription des savoir-faire artisanaux et de la culture de la baguette de pain au patrimoine immatériel de l’Humanité est une véritable fierté pour les acteurs de la filière céréalière française. Symbole par excellence de l’art de vivre français, la baguette s’appuie sur le savoir-faire des agriculteurs céréaliers, des organismes de stockage et des meuniers. L’UNESCO reconnaît ainsi le talent des professionnels et la qualité des matières premières (blé tendre, farine) nécessaires à l’élaboration de notre baguette. »
Stéphane Lacroix, Président de la Chambre Syndicale Française de la Levure
« Ce qui distingue la baguette française des pains au levain c’est la fermentation à la levure et sa légèreté. La fermentation au levain étant incontestablement plus lente que la fermentation à la levure. La levure a permis la fermentation du pain en direct, facilitant l’allongement du pain et donc de la prédominance de la croûte dont la finesse et la coloration dorée la différencie des pains à croûte épaisse de couleur grise. La mie est plus alvéolée et donc plus légère. Notre baguette française est, au fil des années, devenue l’emblème de l’excellence à la française et appréciée dans le monde entier grâce à la maîtrise de la fermentation à la levure en direct sans oublier le savoir-faire de nos boulangers français. »
Une candidature pour sauvegarder notre patrimoine
Le but de la Convention de 2003 de l’UNESCO est la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, en particulier compte tenu de la mondialisation et de l’uniformisation des modes de vies. L’enjeu des candidatures à la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel est d’assurer que les pratiques défendues perdurent. Chaque dossier de candidature contient des mesures de sauvegarde pour protéger l’élément (notamment compte tenu de la plus grande visibilité liée à l’inscription, qui pourrait nuire à cet élément et le dénaturer), pour assurer qu’il perdure, qu’on en fasse la promotion de manière raisonnée et qu’il continue à être transmis de génération en génération. Le volet des mesures de sauvegarde est donc crucial. Il s’agit d’actions concrètes à mettre en place.
Pour faire face aux risques qui pèsent sur les savoir-faire artisanaux et la culture de la baguette de pain, des mesures de sauvegarde seront mises en place :
Transmission
- Créer un Certificat de Compétence Professionnelle principalement axé sur la baguette. Cette formation courte serait diplômante, ce qui faciliterait le montage de projets d’insertion.
- Mettre en valeur la baguette dans le référentiel des diplômes existants.
- Ajouter un module culturel aux formations des artisans boulangers-pâtissiers et des vendeurs en boulangerie pour aborder les savoir-faire boulangers en tant qu’éléments du patrimoine.
Documentation et recherche
- Octroyer une bourse de doctorat annuelle « Conventions Industrielles de Formation par la Recherche en sciences humaines et sociales ».
- Mener des actions internationales (colloques/séminaires) avec d’autres éléments liés à des savoir-faire
- alimentaires inscrits à l’UNESCO.
- Créer un site internet qui regroupera : une bibliothèque virtuelle de la baguette de ses savoir-faire et de sa culture; un inventaire des experts travaillant en lien avec l’élément; des liens vers les formations existantes et des informations sur les actions de valorisation passées et à venir.
Promotion
- Mettre en place une journée de la baguette artisanale. Cette manifestation prendrait la forme d’une « Journée fournils ouverts ». Elle permettrait de présenter au public les spécificités de ces savoir-faire artisanaux et de lui permettre d’apprécier et de distinguer les baguettes artisanales, toutes uniques, d’autres produits standardisés. Ce dispositif ferait de chaque boulanger l’ambassadeur de son métier et soulignerait la spécificité de l’achat de baguettes auprès des artisans boulangers-pâtissiers locaux. Il serait complété par une campagne numérique avec une attention particulière pour les territoires ruraux qui sont ceux qui perdent le plus de boulangeries.
- Promouvoir le Concours national de la Meilleure Baguette de tradition française en créant un réseau de personnes points de contacts et en assurant une meilleure diffusion de l’information. Ce réseau aura pour but d’inciter les formateurs et les maîtres d’apprentissage à préparer les jeunes aux concours et à les y aider.
- Faire évoluer le Concours national de la Meilleure Baguette de tradition française en :
- 1) ajoutant des épreuves pour d’autres types de baguettes;
- 2) élargissant la participation aux jeunes. Une note « baguette » serait prise en compte pour le concours des Meilleurs Jeunes Boulangers de France, pour le Concours « Un des Meilleurs Apprentis de France » ainsi qu’aux examens de CAP. Cette note ferait office de présélection et la « finale jeunes » aurait lieu lors de la Fête du pain.
- Créer un Conservatoire de la baguette de pain destiné à faire voir et à transmettre les savoir-faire artisanaux et la culture de la baguette, à travers une exposition de référence et interactive allant de la production des céréales aux modes de consommation de la baguette, des ateliers sensoriels autour des manières de déguster et de choisir sa baguette, des cours de formation et des Master class pour tous, des débats citoyens.
Un succès collectif
Bien entourés, les artisans boulangers-pâtissiers ont travaillé d’arrache-pied et ont obtenu une première victoire avec l’inscription, en 2018, de leur candidature à l’Inventaire national du patrimoine culturel immatériel par les experts du Comité du patrimoine ethnologique et immatériel (CPEI). Cette étape était un prérequis indispensable pour pouvoir se présenter auprès de l’UNESCO.
En mars 2021, la candidature a été choisie pour être le dossier qui représentera la France auprès de l’UNESCO. La France ne pouvant présenter qu’une candidature tous les deux ans, les boulangers ont été honorés que leur candidature soit choisie en mars 2021 par la France pour porter nos couleurs auprès de l’UNESCO. Depuis mars 2021, la candidature est en cours d’examen au sein de l’UNESCO.
Le comité intergouvernemental de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO, réuni à Rabat, au Maroc, du lundi 28 novembre au samedi 3 décembre 2022 pour sa dix-septième session, vient de faire part de sa décision : les savoir-faire artisanaux et la culture de la baguette de pain sont désormais inscrits au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco.
Dominique Anract, président de la CNBPF, était à Rabat pour défendre cette candidature et convaincre les Etats membres. Il a pu compter sur le soutien de Son Excellence Madame Véronique Roger-Lacan, Ambassadrice, Représentante permanente de la France auprès de l’UNESCO.
2017
La candidature est lancée par la CNBPF
2018
La candidature est inscrite à l’Inventaire national du patrimoine culturel immatériel
2021
La candidature est choisie par la France pour porter nos couleurs auprès de l’UNESCO
2022
Le comité de l’UNESCO décide d’inclure la candidature au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO
Jean-Pierre Lafon, Ambassadeur de France, Co-président du comité de soutien de la candidature
« En inscrivant la baguette de pain française dans la liste du patrimoine immatériel l’UNESCO rend hommage à l’un des éléments de notre vie quotidienne et au-delà du savoir-faire de nos artisans boulangers dont le rayonnement a largement dépassé nos frontières. C’est un hommage et au-delà un encouragement aux trente-deux mille boulangers qui chaque jour sortent la baguette et animent un réseau vivant dans nos villages et nos quartiers qui fait partie de notre identité profonde ».
Véronique Roger-Lacan, Ambassadrice, déléguée permanente de la France auprès de l’UNESCO
« Par les savoir-faire traditionnels qui la caractérisent, la baguette de pain est un symbole de l’universalisme fondateur de l’UNESCO: droit à l’alimentation, à une formation et à un métier ainsi qu’à sa culture. La baguette et les boulangers sont donc des Ambassadeurs de l’universalisme ONUsien et de l’excellence française à l’étranger. Grâce à cette inscription sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO, les savoir-faire des boulangers, souvent ancestraux, seront mieux préservés et davantage reconnus dans le monde entier. »
Guillaume Gomez, Représentant personnel du Chef de l’État pour promouvoir la gastronomie française
« Cette inscription rappelle, s’il en était besoin, que les pratiques ou les cultures alimentaires sont pleinement constitutives du patrimoine culturel immatériel. Non à la standardisation de l’alimentation ! Il est de notre devoir de préserver la diversité des cultures alimentaires et des savoir-faire artisanaux à travers le monde, car nous sommes ce que nous mangeons. Toutes mes félicitations et ma gratitude aux artisans boulangers et à tous les professionnels qui nous permettent chaque jour d’avoir accès à la baguette de pain ! »
Fiers du travail accomplis pour la préparation de cette candidature, les artisans boulangers-pâtissiers tiennent à exprimer toute leur gratitude envers toutes les personnes et structures ayant participé à cette belle aventure collective.
Le film de la candidature
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