Lorrain d’origine et de Lunéville exactement, région où il a fait sa formation et son apprentissage, Frédéric rêvait d’exercer son métier bien au-delà de son pays natal. De l’Australie, son projet initial, à la ville de Copenhague où il vit depuis 18 ans et la création de son école en 2013, retour sur un parcours.
« La pâtisserie ne m’est pas « tombée dessus » comme on dit. Mais déjà tout petit, j’aimais faire des gâteaux. A l’école, seuls les maths et tout ce qui comportait une dimension logique me passionnaient. Je n’aimais pas les langues, domaine dans lequel j’étais carrément nul et que je ne trouvais d’aucune utilité (dire aujourd’hui je donne des cours en français-anglais et danois!). En parallèle de ce goût des gâteaux, c’est l’aspect de la physique et de la précision qui m’a plu dans ce métier. »
Frédéric fait sa formation de chocolatier-pâtissier-confiseur (qu’il obtient à 18 ans), et réfléchi à son premier stage. « Cela m’a pris 6 mois, car j’avais conscience de l’importance du lieu pour une première expérience professionnelle. Et si j’ai une recommandation à faire pour les futurs professionnels, c’est de bien choisir son maître d’apprentissage et une maison de qualité. »
Apprentissage qui se déroule chez Monsieur Marceau Valence (aujourd’hui disparu), Président de l’association des pâtissiers de Meurthe et Mozelle. « Il a été un Maître très important. J’ai aussi découvert à cette époque, les liens et les échanges très forts entre personnes d’une même profession. Comme par exemple, de mutualiser les achats pour des produits de qualité, comme les amandes ou les fruits. Ou encore, d’investir par l’un ou par l’autre de machines très spécifiques, telle celle pour l’émondage des amandes et de la mettre à la disposition des autres collègues. »
Du rêve océanien au nord de l’Europe.
Diplôme en mains et service militaire réalisé, Frédéric veut partir en Australie. Mais son premier job lui est proposé au Danemark. Le rêve d’expatriation se transforme. Après six mois sans revenir en France, il prend conscience de ce que cela représente de partir dans des pays aussi lointains. « Cela posait de gros problèmes pour les liens avec la famille (je suis très attaché à la mienne). Un voyage Danemark-France, c’est une chose. Celui d’Australie-France en est une autre. »
Le Danemark, comme le constatera le chef, étant un pays « exotique » à lui seul. « La langue, l’architecture, la culture culinaire…J’étais dans un pays très différent à quelques heures de chez moi! »
Au niveau de la cuisine (et de la pâtisserie), il découvre un grand paradoxe : bien que les scandinaves ont le goût du voyage très intégrés dans leur culture, certains produits, comme la pizza, ne sont pas courants (nous sommes à la fin des années 80). « Et le plastique ! La première fois que je suis entré dans un supermarché, je suis ressorti sans avoir rien acheté. Tout était sous film ou en barquette, cela ne m’a pas donné faim. Pour ce qui est de la pâtisserie et de la boulangerie, même en travaillant dans un Relais & Châteaux, j’étais dans un autre monde.»
De l’expérience en restauration haut de gamme à l’idée de créer une école
Danemark, Suède, puis retour au Danemark où il travaille dans des enseignes très cotées de la ville… Après 20 ans en restauration haut de gamme, Frédéric sent qu’il a bouclé un parcours, tout en ne voulant pas quitter son pays d’accueil. « Cela a été une grande période de transition. La crise de la quarantaine peut-être ? ».
Une première question se pose : ouvrir une boutique de pâtisserie ?
Il le fera durant deux années, mais décide de ne pas suivre. La pâtisserie fine ne faisant pas (encore) partie de la sensibilité du public, même dans les meilleurs restaurants. Quant à la viennoiserie et la boulangerie, elles sont encore très en retard par rapport à l’évolution de la cuisine.
Viennoiserie qui se travaille encore avec de la margarine, produit qui convient parfaitement au goût du public.
« Il y a des points importants à spécifier. Le premier, c’est que l’approche « Artisan » que nous avons en France est très différente ici. La personne qui est dans sa passion, ne compte pas ses heures…Ce n’est pas habituel au Danemark. Chacun pense au business et à la rentabilité. J’ai en exemple un collègue (étoilé Michelin) qui a laissé son restaurant pour créer une entreprises de crèmes glacées qu’il vend en grande distribution. »
Un croissant (à la margarine) se vend entre 2 € et 2,50. Pourquoi se poser problèmes avec du beurre et plus d’investissement puisque cela plaît au public et qu’il achète ?
Et, dernier détail concernant les gâteaux « élaborés » : les modes de transport. A Copenhague, la plupart des gens circulent en vélo avec un sac à dos. Ce qui rend la préservation d’un beau gâteau un peu difficile…
«Si en toute franchise, j’ai été tenté de quitter mon métier, je n’ai jamais renoncé car en quelques années, il y a eu une évolution qui m’impressionne. Oui, nous sommes encore sont bien loin encore de ce qui se fait en France et dans d’autres pays. Mais ce que j’observe me donne confiance. »
2013 marque la création de son école et avec elle, l’impératif d’un bon marketing
Le chef fait un choix géographique soit, de s’installer à Frederiksberg, une zone résidentielle enclavée dans la ville de Copenhague où vivent bon nombre d’expatriées français, francophones et francophiles. « Cela m’a permis d’avoir beaucoup de publicité de la part des uns et des autres. »
L’expérience et la compétence sont importants, mais il faut aussi savoir se « vendre ». Le plus gros challenge étant le marketing et la promotion, en s’appuyant sur des outils comme Internet. « Etre connu, visible, cela demande une maîtrise et cela, j’y avais beaucoup réfléchi. Ces domaines sont devenus incontournables pour la réussite d’un projet. Par chance, l’informatique est une autre de mes passions !»
Un public de privés et d’entreprises
Le chef reçoit des groupes de 10 à 12 personnes, en intégrant des ateliers pour les enfants (pour lesquels il a imaginé des approches spécifiques, comme pour les gâteaux de fête ou d’anniversaire).
De 2h30 à 4 heures selon les cours, on apprend à faire des macarons, de la viennoiserie, des choux, la bûche de Noël (en fin d’année), la tarte au citron meringuée ou encore, de grands classiques en chocolat comme les truffes, mendiants ou orangettes…
« Mon approche pédagogique consiste à montrer, expliquer et, faire faire. Ce sont des principes de transmission qui me tiennent à cœur: il faut tout d’abord maîtriser les bases et les notions techniques. Je dis souvent que la pâtisserie ne consiste pas à élaborer des roses en pâte d’amande ! J’aime aussi apporter une dimension ludique, avec entre autres, des anecdotes sur mes expériences. Et le fait d’être français est une valeur ajoutée.»
Le goût danois…
Gâteaux aux carottes, cookies, muffins…Ils se porte plutôt vers des classiques anglo-saxons, plus proches de leur culture. La crème se retrouvant dans des gâteaux d’anniversaire avec couleurs, paillettes et pâte au sucre…
Au quotidien, la crème (sauf fouettée et sans sucre), n’étant pas privilégiée au niveau du goût.
Pour ce qui est du sucre -un paradoxe-, il intègre l’ensemble des plats depuis la conservation à la préparation.
En revanche, les danois sont férus de chocolat, achetant des produits de qualité. « C’est bizarre. La chocolaterie a formidablement évolué, mais les gens ne sont toujours pas prêts à payer un bon gâteau. Et ce n’est pourtant pas une question de moyens pour les danois!»
Dans les saveurs appréciées au Danemark : la cannelle, la vanille, la réglisse « du salé au sucré, ils mettent de la réglisse partout, c’est presque abusif ». En saison, les prunes, pommes, rhubarbe et fruits rouges. « Ici, j’ai découvert l’argoussier, une baie orange, avec un goût un peu acide, qui se rapproche du fruit de la passion et de l’abricot. J’aime bien revisiter notre tarte au citron avec ce fruit. »
Un gâteau français qui n’a pas sa place ?
« Le baba au rhum. Les danois n’aiment pas les choses trop imbibées. Mais je leur fais découvrir dans mes cours des goûts qu’ils ne connaissent pas, comme la noix de tonka ou la fleur d’oranger. Ils aiment bien. »
Frédéric Terrible et ses autres projets…
Le chef intervient comme conseil auprès de restaurants en pâtisserie et glacerie et, auprès d’autres instituts de formation. Dans son école -c’est à souligner car inédit-, il a mis en place des ateliers avec des recettes typiques de gâteaux danois. Ce projet, mené en partenariat avec l’agence de voyage « Nordic Insite » (créée par une française), offre aux touristes qui viennent à Copenhague la possibilité de découvrir des recettes familiales, comme le « Dømmekage » (un gâteau au yaourt que beaucoup de danois font à la maison pour toute sorte d’occasions), le « Æblekage » (aux pommes), ou encore, le Lagkage, apprécié lors des anniversaires et généralement composé de trois couches de génoise avec de la crème pâtissière et des fruit frais (ou de la confiture avec une crème fouetté non sucrée).
La madeleine de Proust du chef…
« Quand je reviens chez moi, c’est, au petit déjeuner, du pain, du beurre frais avec de la confiture de mirabelles (nous n’avons pas encore de bon pain ici). J’aime aussi aller sur les marchés pour regarder les étals avec de beaux fruits et légumes, entrer dans une bonne pâtisserie et déguster quelques gâteaux…Tout cela me manque au Danemark ! Et -c’est le Lorrain qui parle-, manger notre fameux pâté avec feuilletage au beurre, viande de porc et de veau, sorti tout chaud du four. C’est vraiment LE plaisir. »