Horizons : rendez vous à Pittsburgh avec David Piquard, par Marie Anne Page

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Pour ce lorrain d’origine – il est natif de Metz -, l’Amérique était un rêve depuis l’enfance. Un rêve bien concrétisé : co-fondateur et copropriétaire avec le couple de Lori et Frédéric Rongier de la pâtisserie « Gaby et Jules » ouverte en 2013 à Pittsburgh le chef, très investi dans l’image de la pâtisserie française,  fait partie de ses grands ambassadeurs.

David Piquard

Pourquoi Pittsburgh ? « Elle n’est pas loin de New York, elle est agréable et la vie n’y est pas onéreuse. C’était une belle opportunité pour moi de m’y installer en famille. » Les Piquard ne se sont pas trompés dans leur choix d’expatriation car Pittsburgh (capitale de l’Etat de Pennsylvanie), est régulièrement citée comme la ville où il fait le plus bon vivre aux Etats Unis. Elle est verdoyante, stimulante par ses nombreuses universités, son milieu culturel et théâtral, son formidable maillage en entreprises de pointe…

Un chef, une ville et d’incroyables points communs

L’art et la manière de renaître de ses cendres… Difficile de ne pas rapprocher les deux histoires. Pittsburgh, qui touchée de plein fouet par la crise dans les années 80, ferme ses sites industriels et se vide de ses habitants. Mais montre ensuite d’extraordinaires facultés de régénération en se fixant de nouveaux caps, en attirant des métiers à forte valeur ajoutée, comme la recherche ou des hautes technologies tournées – c’est à souligner -, vers les énergies renouvelables.

Pittsburgh

Le vécu du chef, les graves difficultés vécues lors de son arrivée en 2006 et la façon dont il va rebondir. Attiré à l’origine par un français pour créer une enseigne en cofinancement, David étudie le business plan (solide et bien étayé), prend la décision d’investir et de partir avec Maud sa femme et ses deux enfants. Mais «l’associé» vide les comptes et disparaît. «J’ai réglé toutes les factures, jusqu’au dernier dollar, c’était très important pour moi. Le plus douloureux, c’est quand mes enfants on du vendre leurs jouets, cela m’a déchiré le cœur ».  La famille doit repartir vers Hexagone mais elle garde le soutien des locaux, de la collectivité française et du consul.

Pittsburgh

En France, le chef se replonge dans le travail, change même de secteur pour gagner plus! Le rêve américain (qui ne l’a pas quitté), va reprendre forme avec l’appel de Lori et Frédéric Rongier, un couple américain connu à Pittsburgh  qui souhaite avec lui, ouvrir un espace de restauration.

« Gaby et Jules » : l’hommage aux anciens…

C’est le début d’une nouvelle aventure avec la création de « Gaby et Jules », deux prénoms en souvenir des grands pères de David et de Frédéric, tous deux garagistes, tous deux amoureux de la pâtisserie et d’un métier qu’ils auraient rêvé d’exercer. Etonnante non, cette histoire qui relie ces familles des deux cotés de l’Atlantique! N’oublions pas le soutien inconditionnel, l’amour et la confiance de Maud, sa femme.

Au niveau de la structure et de son montage financier, David Piquard (qui a une participation d’un peu plus de 40%), se charge de la création, la R&D, et de tout le volet production. Après la boutique de Squirel Hill (cœur de l’entreprise), deux autres espaces ont été ouverts à l’aéroport et dans le quartier de Market Square. « Notre projet actuel est de créer une autre boutique qui fasse salon de thé, avec la vente de mélanges de café et de thé que nous élaborerions nous-mêmes. »

Canelés Gaby et Jules
Macaron Gaby et Jules

Les approvisionnements… pas si simple

« J’importe 60% de mes produits car c’est difficile d’avoir une qualité constante, il faut se battre sans arrêt!» Le beurre vient de Charente, la chocolat de Cacao Barry, les purées de fruits de chez Boiron. Pour les fruits frais, le chef en achète en local en grande quantité en saison (les californiens sont très onéreux). Fruits stockés qui vont aussi intégrer ses confitures (qui représentent une belle part dans les ventes). Gaby et Jules propose des viennoiseries et de la baguette, de chez Bridor. «Parce que leur qualité est extraordinaire. Je glace les viennoiseries au jaune d’œuf pour les rendre plus brillantes. Mais les chouquettes, je les fais moi-même !»

Du Royal Chocolat au Paris-Pittsburgh, en passant par les macarons…

Avec son glaçage brillant au chocolat et son croustillant au praliné, le Royal Chocolat fait partie des desserts phares. Autre gâteau devenu un grand classique, le « Paris-Pittsburgh » une meringue aux noisettes (remplaçant la pâte à choux), garnie d’une mousse noisette, entourée d’amandes grillées et hachées. « C’est un petit clin d’œil au Paris-Brest et pour moi, une façon de remercier la ville. » Les cannelés, autre belle référence au succès grandissant. A savoir que le chef a travaillé à Bordeaux chez Baillairdran, le Roi des cannelés ! « Mais à cause de la farine très différente ici, il a fallu beaucoup de tests et de travail pur arriver à la qualité que je souhaitais. »

Le Royal Chocolat
Le Paris-Pittsburgh

Quand aux macarons… c’est le fer de lance de l’enseigne et 50% du C.A. Vendus à l’unité, en boîtes de 2, 6 ou 12, déclinés en tours pour des mariages… Les clients en appréciant tant la qualité (bon nombre connaissant très bien les grandes références françaises), que séduits par saveurs proposées (17 parfums en constante).

Macarons

L’élaboration est fixée dans les meilleurs critère artisanaux. En exemple, le chef broie lui-même ses amandes, avec un peu de torréfaction pour en renforcer la saveur. « Ce serait plus facile et moins cher, d’acheter la poudre d’amandes, mais c’est mon choix de les recevoir entières et de les travailler moi-même. » En dernières saveurs inédites au beau succès, le macaron chocolat blanc-basilic ou, l’association lavande-citron « avec une garniture marmelade de citron confit maison, c’est exceptionnel ! ». Le chef commence à faire connaître les croquembouches, de plus en plus plébiscité en gâteaux de mariage. A chaque nouvelle création, de petits morceaux sont proposés en assiette pour la dégustation. Cela fait vendre car la clientèle apprécie ce mode de découverte.

Croquembouche macarons
Croquembouche macarons

Pour Pâques il a imaginé un dessert fait d’une mousse au coquelicot (de violette, de jasmin ou de rose), avec du marshmallow (fait maison) à la framboise, et un sablé breton. Une revisite du « S’More » (contraction de some more), une douceur dont la plupart des américains raffolent : du marshmallow grillé et un carré de chocolat insérés façon sandwich dans deux biscuit.

David Piquard ou l’éloge de l’autodidacte

Le chef est diplômé en cuisine et en management hôtelier. La pâtisserie, il l’a apprise à force de travail, avec une passion née à l’époque de ses stages (par ses qualités de précision, on le mettait systématiquement en pâtisserie). Le plus cocasse de l’histoire, c’est que son désir de se former chez de grands professionnels de sa région n’a amené que des refus, même en proposant de travailler gratuitement. La raison invoquée étant son manque de formation !

Bien des années plus tard, quand Cacao Barry organise un concours en interne sur les chefs qui travaillent le mieux le chocolat aux USA et au Canada, le chef fait partie des 10 gagnants. Joli retour du destin non ? Concours qui l’emmène au Pérou pour visiter la plantation « Alto del Sol » dont Cacao Barry a l’exclusivité. « Ce voyage a été important pour deux raisons : j’ai été adoubé par une communauté de chefs pâtissiers, et j’ai découvert ce qu’il y a derrière le produit en travaillant avec les planteurs. Cela m’a renforcé dans mon idée : les clients sont importants, les produits et les gens qui les font sont importants. C’est cela que j’essaie d’inculquer à mon personnel. »

Creamy Pear Cheesecake
Gâteau de mariage
Éclairs
Bavarois

La madeleine de Proust de David Piquard. « La choucroute de ma mère, le fromage, un bon saucisson. Et les biscuits apéritif ! Ils n’ont pas le même goût. Ce qui nous manque aussi avec ma femme, ce sont les vrais marchés de campagne, avec les étals de légumes, de produits, les poulets rôtis, les vendeurs de sacs à main…. Des choses que l’on ne trouve pas ici. »

Gaby et Jules, Pittsburgh.
Squirrel Hill: 5837 Forbes Ave.
Market Square: 435 Market St.
Pittsburgh International Airport Concourse A
gabyetjules.com