Nous arrivons au terme du cinquième et dernier rendez vous. Plus que jamais, je me dois d’être le plus utile à la majorité d’entre vous, les sujets ne manquent pas et il me faut choisir.
Dans ce dernier article, je voudrais vous dire quelques mots très succincts sur la crise par un angle particulier sans faire de politique, ni de polémique, tout en y intégrant de façon pratique Noël avec un exemple d’approche, et de recettes intéressantes.
En avant propos, je voudrais vous remercier de l’accueil que vous avez réservé aux quatre articles précédents. Par votre retour, vos mails, SMS et appels téléphoniques vous m’avez renforcé dans l’idée qu’il n’y a pas de fatalité, que les relations humaines et techniques qu’engendrent les échanges sont une source de progrès indiscutable pour nos entreprises.
Quel bonheur de constater que ces articles ont presque un effet de formation à distance. Qu’avec de simples mots, et il est vrai une solide expérience, il est possible de faire naître une relation de confiance qui aboutit à une remise en cause bénéfique à plusieurs égards au sein de notre secteur économique. Je pense en particulier à ce boulanger des Alpes qui a appliqué les principes formalisés dans l’article sur le « goût du pain » avec un succès épatant.
Il en va de même pour la viennoiserie. Je pense là, à un boulanger de l’Est qui, suite au dernier article sur les croissants, qui stoppe l’achat de croissants surgelés, fait rentrer du beurre d’Echiré et de la farine de gruau. Pour ensuite mettre en application la recette de l’article et redécouvre ainsi avec fierté le plaisir de fabriquer un très beau produit artisanal. Je suis heureux d’avoir contribué à permettre à ce collègue de renouer sur ce produit avec l’identité artisanale et la satisfaction d’un beau et magnifique travail, qui plus est très rentable, et bien d’autres exemples encore.
Quelques mots sur le sujet du moment qui ne résoudrons pas toutes les problématiques de beaucoup d’entre nous, mais qui peuvent nous aider à mieux cerner certaines difficultés, et pourquoi pas ici ou là déclenché un début de solutions. Le tout avec une vision positive à condition de ne pas subir, de réagir, et de faire le nécessaire.
Effectivement en ce moment le terme « crise » est mis à toutes les sauces. Il est tellement présent et prégnant dans les médias, qu’il fini par pénétrer à des degrés divers chacun d’entre nous et ce, de façon parfois excessive. Il est nécessaire de raison gardé, de bien identifier les problèmes, et de mettre en œuvre des solutions optimistes, parce qu’elles existent.
Personnellement je considère qu’il faut dissocier deux sortes de crise :
La première, qui est de l’ordre la responsabilité des politiques, socio professionnelle, étatique, nationale, européenne, et internationale, qui ne dépend pas directement de nous sur le terrain, et sur lequel individuellement nous avons très peu de moyens pour la contrecarrée.
La seconde, et une autre forme de crise dépendant directement de nous, que nous avons du mal à identifier parce que nous sommes souvent la tête dans le guidon, que beaucoup d’entre nous vivent au quotidien, pour lequel il est possible d’entreprendre et de trouver des solutions réactives simples et efficaces.
Dans la conjoncture actuelle, l’élément prioritaire est le maintien du chiffre d’affaires avec une rentabilité raisonnable. Ce point est crucial dans la mesure où beaucoup d’entreprises sont à peine au dessus du seuil de rentabilité. Cet objectif est (sauf cas très particulier) possible pour l’ensemble des entreprises se trouvant dans cette situation ; En effet, notre marché est national, la consommation du pain est stable (130 à 140 gammes par habitant depuis plusieurs années), et la population française augmente. Alors que se passe-t-il ? C’est très simple, si l’on met de coté les cas particuliers, ceux qui se retrouvent dans cette situation sont moins bons que leurs concurrents.
Je ne peux qu’inciter chaque entreprise qui a des problèmes de volume, de chiffre d’affaires, à réfléchir et à engager les corrections indispensables. De nombreux chemins sont possibles, seul ou accompagnés, cela passe obligatoirement par une remise en question, sur la qualité des produits, leur mise en scène sur le lieu de vente, la qualité d’accueil, la qualité de l’offre, la qualité de recrutement, la qualité de management, la philosophie de l’entreprise, sa stratégie, s’adresse t elle au consommateur de façon généraliste ou spécialiste, et bien d’autres leviers encore tels que l’image, la communication…. Si besoin, de nombreuses structures existent pour vous aider à accomplir cette amélioration là. En dernier ressort, si le consommateur ne vient pas à vous, alors il est possible d’aller vers lui par diverses formules, offres ou services.
Oui sur chacun de ces points, une entreprise artisanale se doit d’avoir une position d’un bon niveau, claire, concrète et réfléchie, visible par le consommateur.
Bien sûr, tout cela sera soumis aux aléas de l’autre type de crise étatique nationale et internationale directement liée aux charges diverses et prélèvements sociaux et fiscaux.
Nous nous y trompons pas, le maintien du chiffre d’affaires avec des marges correctes a toujours été et sera toujours la priorité vitale, tout le reste n’est que de la simple gestion du moment. Il me parait de la plus haute importance d’insister sur cette hiérarchie, car si le C.A. est bon au départ, même en cas d’extrême difficulté due à la crise générale, le consommateur continuera de s’alimenter. Si les prélèvements fiscaux et sociaux devenaient trop lourds, il sera toujours possible de réduire le personnel, de rationnaliser encore plus la production, la gestion et autres moyens d’actions… ainsi, même si c’est avec une voilure réduite, l’entreprise pourra poursuivre sa pérennité. L’inverse en la circonstance conduit à une mort assurée.
C’est parce qu’une entreprise se doit d’avoir une philosophie et une stratégie claire, que l’ensemble de mes articles est fondé sur la même logique. Le premier vous parler d’une stratégie et philosophie sur la nutrition santé directement reliée au plus gros marché économique du futur « le vieillissement de la population et les problèmes de santé publique pour lequel le pain apporte sa part de solutions ». Le second, vous parler de qualité optimum du pain, parce que si nous perdons du chiffre d’affaires sur ce fondamental essentiel, c’est que globalement le pain artisanal n’est pas à la hauteur de ses espérances, la concurrence en termes globaux peut devenir meilleure, même si cela me fait très mal de le dire ! Sur le troisième article, je vous ai parlé de l’importance du travail du tour en termes de stratégie économique, mais aussi organisationnelle. Enfin le quatrième article « comment faire un bon croissant » afin de reconquérir le terrain perdu et s’il vous plait de façon bien sûr très rentable. Il se dit que 80% de la viennoiserie vendue en France est d’origine industrielle, je n’ose le croire.
En définitive, nous avons de nombreux leviers pour agir et je ne vous parle que de l’arrière boutique. Des structures de formation peuvent nous aider, iL nous faut simplement le vouloir, car là où il y a une volonté, il y a toujours un chemin.
J’en viens aux fêtes de noël, tout en essayant de les relier à ce que je viens de dire précédemment.
Noël possède ses produits emblématiques en pâtisserie et en boulangerie. En pâtisserie, ils sont généralement de bonne facture. Mais en est t’il de même en boulangerie ? Combien de boulangers font ils encore leur pains de seigle ou spéciaux la veille pour pouvoir, comme ils le disent, les trancher le lendemain. Ces professionnels se rendent ils compte qu’ils vendent du pain rassis pour un moment comme celui là, qui se doit de rester inoubliable pour le consommateur et privilégié pour l’image de l’entreprise !
Des solutions de meilleure qualité peuvent être misent en œuvre, je vous en propose deux sur le pain de seigle d’appellation courante (65% de seigle, 35% de froment). Ce produit se fait en direct et trois heures sortie du four. Trois heures plus tard et le ressuage, il peut être tranché pour des pièces allant jusqu’à 500g. Ce qui revient à dire qu’un boulanger commençant le 24 décembre à 1 heure du matin peut avoir du pain de seigle froid tranchable à partir de 7 heures du matin. Il est possible de faire encore mieux et de réduire ce laps de temps de trois heures entre la sortie du four et le tranchage, avec les trancheuses à disque de nouvelle génération. Deuxième option, le précuit fait la veille ou l’avant-veille refroidi et mis en chambre froide à 4 degrés. Cette méthode permet dans le cadre d’une excellente qualité, de garder l’appellation boulangerie tout en organisant, équilibrant et rationalisant la charge travail de ces jours particuliers.
Naturellement le choix de la mise en œuvre de la recette joue un rôle considérable dans la réussite du produit. Je vous propose la recette suivante en insistant sur les points essentiels.
Pour environ 5 kilo de pâte = 1850 grammes de farine de seigle type 85, 1600 grammes de pâte fermentée, 35g de sel, eau quantité suffisante (QS aucun seigle n’hydrate de façon identique), si possible l’ajout de 500 g de levain naturel de seigle optimise le résultat. Faute de levain de seigle vous pouvez utiliser du levain froment en remplacement d’une petite partie de la pâte fermentée.
Les points incontournables dans cette recette, pétrissage amélioré consistance batarde, température impérative de la pâte 25 à 26 degrés, les 35% de froment sont apportés exclusivement par de la pâte fermentée faite à partir de farine de gruau spécialement pétrie la veille et mise directement au froid à 4 degrés avec 10 à 15 g de levure environ au kg de farine. Surtout pas d’adjonction de levure au pétrissage du seigle. Il est possible d’utiliser avec les précautions d’usage un peu de gluten.
Ce pain à partir de ce moment est un des très rares pains qui peut se travailler à la « pendule », 30 minutes de pointage en masse après l’arrêt du pétrin, ensuite pèse à la main ou diviseuse très légère mise en forme (sans matraquage), 20 minutes de détente, façonnage (avec délicatesse) tourne à gris, et quoi qu’il arrive 45 minutes après il doit aller au four coupe polka. Si vous attendez qu’il lève sur planche ou que le four n’est pas disponible à temps c’est fichu il est « pourri » terne et plat et doit si cela vous arrive partir directement aux croutes !
Deux « secrets » de la réussite de ce pain, le premier pour le tranchage, pour que la mie ne soit pas collante il faut une température de pâte au dessus de 24 degrés. Le deuxième c’est un maximum de fermentation lactite due à la température de la pâte, à sa qualité et au levain, c’est ce qui va permettre à votre pain « d’exploser » au four si naturellement, il a été enfourné à temps.
Enfin si vous ne maitrisez pas le touché de cette pâte fragile et son façonnage, je vous conseille de faire vos pains de seigle (façonnage très, très peu serré) en moule à cake en aluminium et le résultat sera réussi. (Cette méthode est idéale pour le précuit). Dernier conseil, nous n’avons pas tous le même matériel ni les mêmes matières premières surtout sur le seigle, il est donc primordial de faire des essais afin de « caler » l’équilibre de ses fabrications.
Très bonnes fêtes de Noël à toutes et tous, Un grand merci à Gérard SABY de m’avoir donné l’opportunité de m’adresser à vous en toute liberté.
Amandio PIMENTA